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Reviewed by:
  • Emotional and Sectional Conflict in the Antebellum United States by Michael E. Woods
  • Nicolas Barreyre
Michael E. Woods Emotional and Sectional Conflict in the Antebellum United States Cambridge, Cambridge University Press, 2014, xiii- 250 p.

La guerre de Sécession est sans doute l'événement qui a fait couler le plus d'encre de toute l'histoire des États-Unis, obnubilant pareillement historiens et grand public. Traumatisme refondateur de la nation et expiation du péché originel (l'esclavage), le conflit n'en finit pas de faire l'objet de réinterprétations politiques et mémorielles qui donnent une portée particulière à l'histoire, celle des universitaires. Dans l'économie de cette historiographie, expliquer la «marche» vers la sécession est un enjeu central, [End Page 1020] que Michael Woods propose de revisiter dans son premier livre sous l'angle des émotions. Non que les passions politiques aient été absentes des précédentes études, ni même que l'histoire politique de la période n'ait reposé que sur le postulat de choix réfléchis et rationnels. Si la plupart des ouvrages se préoccupent d'une dynamique politique qui mène (inexorablement ou accidentellement, selon les auteurs) à la sécession, M. Woods veut au contraire restituer la construction et le rôle moteur des émotions dans cet avènement. Il mène donc une analyse culturelle des États-Unis à partir des années 1820, en s'inscrivant dans le récent emotional turn des sciences humaines et sociales et en empruntant parfois des idées à des études de psychologie sur le rôle des émotions en politique.

L'ouvrage se décline en deux volets. La première partie explore la place des émotions dans la constitution d'identités sectionnelles distinctes pour le Nord et pour le Sud. En sondant les discours, l'auteur fait émerger un répertoire politique attaché à l'expression d'émotions, dont il identifie certaines comme étant centrales dans la culture de l'époque. Ainsi, pour M. Woods, les débats autour des questions d'esclavage et de travail libre s'articulent sur les définitions concurrentes du bonheur comme contentement ou espoir. De même, il voit dans la jalousie une divergence clé de deux «régimes émotionnels» entre le Nord, où elle est condamnée par la morale bourgeoise comme violente et irrationnelle, et le Sud où l'honneur viril commande à tout homme de préserver assidûment sa réputation et ses libertés d'homme libre. Or, nous dit M. Woods, ces divergences sont d'autant plus dangereuses que s'est imposée l'idée que l'Union ne tient que par l'affection que lui portent les Américains, que par l'attachement de chacun à la nation – ce que l'auteur a décidé de nommer une «théorie affective de l'Union», exagérant la cohérence de ce qui, à la lecture, semble plus relever d'un vocabulaire voire d'un poncif que d'une véritable théorie.

Dans une seconde partie, M. Woods s'attache à étudier le rôle des émotions dans les mobilisations politiques déclenchées par la question de l'esclavage dans les années 1850. Il identifie là aussi deux émotions-maîtresses dans ce processus: dans le Nord, l'indignation et, dans le Sud, la jalousie politique. La première expliquerait pourquoi les nordistes blancs, indifférents pour la plupart au sort des Noirs asservis, se sont mobilisés quand la chasse aux esclaves en fuite jusque parmi eux en est venue à leur poser un problème moral et un risque juridique directs. La seconde aurait permis de créer dans le Sud cette identification de tous les hommes blancs à la cause des esclavagistes quand celleci n'a guère de sens en termes d'intérêts étroitement conçus, en liant émotionnellement la liberté d'homme libre à la défense de ce système contre toute remise en cause, même purement rhétorique ou symbolique, venue du Nord.

Le passage le plus fascinant est sans doute celui qui concerne les indignation meetings, des rassemblements organisés pour exprimer la...

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