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Reviewed by:
  • Conquerors, Brides, and Concubines: Interfaith Relations and Social Power in Medieval Iberia by Simon Barton
  • François Foronda
Simon Barton Conquerors, Brides, and Concubines: Interfaith Relations and Social Power in Medieval Iberia Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2015, 264 p.

Dans le prolongement de ses recherches axées à l'origine sur la noblesse castillano-léonaise du xiie siècle, Simon Barton questionne depuis quelques années les dynamiques relationnelles entre chrétiens et musulmans dans la péninsule Ibérique. Sa production scientifique participe au renouveau d'une problématique longtemps marquée par l'usage des vocables de Reconquista (reconquête), convivencia (coexistence) et, plus récemment, conveniencia (convenance), ou, tout simplement, du concept de frontera (frontière). C'est là un mouvement historiographique particulièrement vif, associé aux enjeux actuels, scientifiques et politiques de la mondialité et de l'interculturalité, lesquels obligent l'historien à peser et à poser ses mots1.

Dans ce cadre, l'approche de S. Barton a consisté principalement à interroger des phénomènes ou des trajectoires pointant une circulation entre deux mondes ethnoreligieux2, lesquels l'ont conduit en direction d'une anthropologie de leurs frontières identitaires. Dans ce domaine, les médiévistes français connaissent bien les travaux de David Nirenberg qui, à partir de la violence à l'égard des minorités en Aragon, avait mis au jour l'anxiété sociale, notamment en matière de contact sexuel, qui en formait l'arrière-plan3. Cette question plus particulière du contact sexuel avait conduit S. Barton a s'intéresser à la pratique des mariages et des liaisons interconfessionnelles, qui s'étaient développés dans la péninsule Ibérique peu après la conquête musulmane et jusqu'au milieu du xie siècle, principalement entre les gouvernants musulmans et les femmes de l'ancienne élite wisigothique puis celles de l'élite émergente des nouveaux royaumes chrétiens4.

Il s'agit là du point de départ de S. Barton, qui cherche dans le présent ouvrage non seulement à donner plus d'ampleur à ce premier état de sa réflexion, mais encore à l'orienter en direction d'une histoire de l'entretien mémoriel des frontières identitaires. Cette perspective le mène jusqu'à une époque très contemporaine, par exemple lorsqu'il évoque, pour amorcer son enquête ou bien la conclure, la célébration dans diverses villes espagnoles de l'affranchissement du tribut des cent vierges ou de combats entre maures et chrétiens. En outre, l'auteur n'hésite pas à établir des parallèles pertinents avec d'autres situations contemporaines en rapport avec son sujet, qui toutes [End Page 997] désignent, pour reprendre le titre d'une pièce de Matéi Vişniec, la «femme comme champ de bataille».

Qu'on me permette d'insister seulement sur deux points, respectivement d'ordre thématique et méthodologique, qu'appelle la lecture de cet essai actualisé et d'actualité fort convaincant. Associant dans sa réflexion sexe et pouvoir, S. Barton envisage la question des unions interconfessionnelles tel un élément d'une politique de domination, qui, par les femmes et leur honneur – honneur aussi de leur communauté, comme l'avaient déjà montré des études portant sur des sociétés non marquées par les échanges interconfessionnels –, se joue également sur le terrain psychologique. En ce sens, il souligne, à propos des esclaves chrétiennes dans les harems, que «le traumatisme infligé par cette politique dans les consciences chrétiennes allait marquer les générations suivantes» (p. 44). Or c'est précisément quand déclinent ces unions interconfessionnelles, parce qu'elles perdent de leur intérêt pour les élites musulmanes autant que chrétiennes, que s'érigent les barrières légales, civiles et religieuses visant à en prohiber la pratique, que se forme cette conscience chrétienne.

Or, et j'en viens ici au point méthodologique, cette conscience se fonde principalement sur la base de récits, dont l'auteur interroge l'historicité en poursuivant les reformulations depuis les chroniques médiévales jusqu'à, parfois, la littérature du Siècle...

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