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  • Médecine(s) et santé. Une petite histoire globale – 19e et 20e siècles by Laurence Monnais
  • Corinne Doria
Médecine(s) et santé. Une petite histoire globale – 19e et 20e siècles Laurence Monnais Montréal: Les Presses de l'Université de Montréal, 2016, 258 p., 34,95$

Un constat précis est à l'origine de cette petite histoire globale de la médecine : le degré de pénétration du langage et des catégories médicales dans notre quotidien et la présence envahissante de la médecine dans l'espace public comme dans l'espace privé. Professeure titulaire au département d'histoire à l'Université de Montréal, Laurence Monnais se propose de reconstruire de manière critique le processus de médicalisation qui gagne notre société depuis le 19e siècle, de façon à mettre en question la validité de l'association « médecine » et « santé », qui paraît habituellement aller de soi. L'auteure s'intéresse ainsi au mouvement qui a porté la médecine occidentale à devenir le cadre de référence global pour distinguer la santé de la maladie, adoptant pour cela une perspective internationale qui permet de bien saisir les lumières et les zones d'ombre de ce processus.

L'ouvrage est organisé en trois parties. La première analyse le chemin par lequel la médecine occidentale s'est affirmée comme médecine « officielle », depuis la mise en cause du paradigme hippocratique et galénique, à travers la construction d'un savoir anatomique et physiologique amenant à concevoir l'homme à l'instar d'une machine, jusqu'au développement de la médecine comme une science quantitative et quantifiable, fondée sur un paradigme mathématique lui permettant de gagner en crédibilité. Le rôle des pouvoirs publics dans ce processus est également envisagé, la prise en charge des questions d'hygiène publique – souvent dans un souci de contrôle social – ayant favorisé la pénétration dans le tissu social de ce paradigme médical. Le mouvement de colonisation a ensuite fait en sorte [End Page 236] que ce modèle médical soit « exporté » dans le monde entier. Outil de domination autant que de diffusion des « bienfaits de la civilisation », celui-ci a provoqué des résistances en même temps qu'il a diffusé auprès des populations colonisées l'idée du droit à la santé. La deuxième partie est centrée sur trois « cas de figure » – le corps de la femme, la maladie mentale et l'accessibilité aux soins – que l'auteure choisit pour analyser le processus de médicalisation qui a investi notre société, ainsi que ses contradictions. La troisième partie est consacrée aux multiples fissures en train d'apparaître dans l'édifice de la médecine « officielle ». L'engouement pour les médecines alternatives, qui est à la fois une forme de contestation du pouvoir médical et de méfiance envers une médecine trop technique et spécialisée ; l'accès aux informations médicales et les campagnes des ministères de la Santé qui ont répandu une culture du dépistage et enfin une intériorisation de la discipline médicale qui amène l'individu à se positionner comme acteur et non plus comme patient. La lecture de l'ouvrage de Laurence Monnais amène ainsi à la conclusion que la relation entre médecine et santé est le résultat d'une construction historique, et qu'elle est absolument contingente. Si une autre idée de la santé est possible, ses caractéristiques ne sont pas, à l'heure actuelle, définies de manière claire. Malgré ses contradictions et ses limites, la médecine occidentale demeure encore, de ce fait, le cadre de référence de notre idée de santé.

Dans cet ouvrage au caractère « hybride », à mi-chemin entre le livre savant et l'ouvrage de vulgarisation, l'auteure présente habilement le processus d'affirmation de la médecine occidentale sans adopter de posture « complotiste » (l'établissement d'un pouvoir médical visant au contrôle social), et...

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