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  • Les comportements collectifs en France et dans l’Europe allemande. Historiographie, normes, prismes (1940–1945) by Pierre LABORIE, François MARCOT
  • Christian Chevandier
Pierre LABORIE et François MARCOT (dir.). – Les comportements collectifs en France et dans l’Europe allemande. Historiographie, normes, prismes (1940–1945), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, 307pages. « Histoire ».

Un groupe de soldats allemands, casqués, marchent au pas dans une rue de Brest. Au premier plan, un homme, moustachu et coiffé d’un béret, semble les ignorer. C’est une ville sans regard (« Die Stadt ohne Blick » disait-on à propos de Paris) que nous montre la photo reproduite en couverture du livre : la « belle indifférence » que Jean Texcier recommandait à l’été 1940 dans ses Conseils à l’occupé s’est souvent imposée sans que l’on puisse dire qu’il s’agissait alors, véritablement, de résistance. Résister, cela a pu être pour Albert Camus rédiger des articles pour Combat et pour René Char refuser de publier. S’il est d’abord, ici, question de résister alors que l’ouvrage est consacré aux « comportements collectifs », c’est par fidélité aux actes d’un colloque qui s’est tenu à Besançon au début de l’automne 2012 et où chacun, communiquant et discutant, s’est très vite intéressé à la Résistance 23. In fine, c’est bien ce qui préoccupe, au-delà du cercle somme toute pas si restreint des spécialistes, puisqu’ils sont vingt-quatre dont les écrits ou les propos sont reproduits dans cet ouvrage. Le lecteur ne m’en voudra pas de préférer n’en citer aucun, faute de pouvoir tous les citer certes, mais aussi parce que les échanges permettent souvent de dépasser les apports individuels. Les éditeurs ont tenu à publier des discussions fort denses qui montrent la richesse de ces manifestations scientifiques parfois décriées.

En dehors des historiens, c’est l’ensemble de la société française qui s’est emparée du débat, dès la Libération, et même sans doute avant. « Années noires », « années grises », la nuance ne s’est pas imposée dans le débat public, abusant d’analyses de chercheurs parfois sollicités à l’excès pour juger, des décennies plus tard, les Français de ce temps. Une certaine doxa ne leur concède, au mieux, qu’un long attentisme suivi de la conviction que la majorité d’entre eux avait résisté, vision « gaullo-communiste » d’un peuple de résistants dénoncée dès les années 1960. La vulgate qui insiste sur la couardise voire la sympathie de la population pour Vichy, reprise au demeurant des argumentaires d’une extrême droite qui a toujours associé gaullistes et communistes dans sa vindicte, s’est ensuite développée dans le flou de démarches mémorielles et s’est répandue dans les médias. Le film de Marcel Ophüls, Le Chagrin et la pitié, était d’abord consacré à la Résistance, mais sa représentation a pris le pas sur le film lui-même : « Miroir impitoyable des Français tels qu’ils furent » lisait-on dans Le Monde en 1981, dix ans après sa sortie en salles. Face à ces excès d’ingénuité, les historiens se doivent non seulement de prendre en compte la complexité, mais bien de la mettre en perspective. Le choix de l’expression « comportements collectifs », dont chaque mot a été longuement et à plusieurs reprises discuté, permet notamment de se demander en quoi des comportements individuels s’inscrivent dans des démarches plus larges. Les débats ont aussi porté sur la valorisation, en France, d’une tradition républicaine qui a contribué au sauvetage des trois quarts des personnes considérées comme juives par les nazis et vouées à l’extermination, sauvetage dans lequel le rôle de l’Église catholique est loin d’avoir été négligeable, les messages indignés de cinq évêques de la zone sud ne devant pas minimiser les gestes d’un clergé plus modeste ou ceux des fid...

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