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  • Verdun 1916. Une histoire franco-allemande de la bataille by Antoine PROST, Gerd KRUMEICH
  • Tristan Rondeau
Antoine PROST et Gerd KRUMEICH. – Verdun 1916. Une histoire franco-allemande de la bataille, Paris, Tallandier, 2015, 318pages.

Au milieu du raz-de-marée éditorial qui accompagne le centenaire de la Grande Guerre, le Verdun d’Antoine Prost et Gerd Krumeich, éminents spécialistes de la Grande Guerre, surnage nettement. Dès les premières pages, les deux historiens exposent leur projet : écrire la bataille de Verdun à quatre mains, françaises et allemandes, était selon eux une entreprise nécessaire, la perspective binationale permettant seule de cerner les spécificités culturelles et mémorielles de cet événement 18. Force est de constater que cet ouvrage est une réussite. Plutôt qu’un énième récit de la bataille, les historiens ont choisi d’expliquer Verdun en lui redonnant toute son épaisseur historique. Pour ce faire, ils ont organisé leur livre selon trois grandes scansions.

Dans un premier temps, les auteurs étudient les décisions qui ont présidé au déclenchement et au déroulement de la bataille. L’un des grands apports de ces premiers chapitres est de mettre à bas le mythe du mémorandum de Noël 1915 du général Falkenhayn, où ce dernier aurait indiqué que son objectif serait de « saigner à blanc » l’armée française (p. 21 sq.) : le document est un faux, forgé après-guerre pour justifier a posteriori la défaite allemande. À Verdun, l’état-major allemand souhaitait en réalité réduire un saillant jugé menaçant. Antoine Prost et Gerd Krumeich rétablissent également une image plus véridique de l’offensive allemande du 21 février. Les auteurs s’attachent à déterminer comment et pourquoi les troupes françaises, après avoir été bousculées et débordées, ont réussi in extremis à tenir et à éviter la catastrophe, et ce en dépit de leur sous-préparation défensive et de l’écrasante supériorité numérique et matérielle de l’armée allemande (p. 45 sq.).

Cette première partie ressemble à une narration assez classique de la bataille, passage obligé pour un tel ouvrage. Le récit, généraliste, synthétique, et illustré de plusieurs cartes, n’en est que plus limpide d’autant qu’il s’accompagne d’une historicisation permanente des combats : les auteurs insistent notamment sur le poids stratégique de la nomination de Philippe Pétain (p. 63 sq.) et mettent en exergue l’évolution des modalités de l’affrontement. Le récit se poursuit après l’arrêt des offensives allemandes, à la suite du déclenchement de la bataille de la Somme, et se conclut par les ultimes offensives françaises entre octobre et décembre 1916. Abordant la question centrale de la ténacité des soldats, les auteurs ne se contentent pas des explications habituellement avancées et consacrent plusieurs pages très intéressantes au rôle prépondérant joué par la logistique. Il en va de même au sujet des conséquences très concrètes de la bataille sur l’organisation des groupes de combat et l’évolution de l’armement individuel et collectif. À plusieurs reprises, les deux historiens descendent à l’échelle micro-historique pour suivre sur quelques pages telle unité allemande ou française : cela permet de mettre l’accent sur l’extrême violence des affrontements, les souffrances des hommes et les difficiles conditions matérielles de la vie quotidienne. Cette narration plus incarnée atteste d’un surcroît d’attention pour des éléments très concrets, que le lecteur ne saurait négliger lorsqu’il s’agit d’analyser le déroulement d’une bataille et le vécu des soldats.

La deuxième partie de l’ouvrage est logiquement consacrée à l’expérience des combattants. Si Verdun est devenu pour les Français « le symbole même de toute la guerre » (p. 99), cela tient-il au caractère inédit de l’horreur des conditions de vie et des combats ? Le ressenti est-il le même c...

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