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  • Occupation, épuration, reconstruction. Le monde de l’entreprise au Havre (1940–1950) by Claude MALON
  • Christian Chevandier
Claude MALON. – Occupation, épuration, reconstruction. Le monde de l’entreprise au Havre (1940–1950), Mont-Saint-Aignan, Publications des universités de Rouen et du Havre, 2012, 425pages. Avant-propos de Jérôme Prieur. Préface d’Hervé Joly.

C’est un employé de l’usine à gaz de la rue Philippe Lebon qui l’explique : « Les Allemands, ils visaient mieux que les Anglais. » Et il sait de quoi il parle : depuis juin 1940, le Havre a subi de nombreux raids, jusqu’aux plus meurtriers qui coûtèrent la vie à près de 2 000 habitants les 5 et 6 septembre 1944. Lorsque la ville fut enfin libérée, après quelques jours de combat, plus de la moitié du parc de logements avait été détruite ainsi qu’une bonne partie des bâtiments publics ou commerciaux. Si l’attaque alliée de septembre 1944 fut la plus meurtrière, elle n’était pas la seule cause des destructions qui, en un peu plus de quatre ans, depuis mai 1940, modifièrent l’aspect de l’agglomération portuaire de la rive droite de l’embouchure de la Seine. Il y eut d’abord, à partir du 19 mai 1940, des raids allemands de destruction et d’intimidation puis, au moment de l’exode, les sabotages par les soldats français d’un matériel qui ne devait pas tomber dans les mains de l’ennemi, dont un sous-marin encore dans les chantiers navals. Le plus spectaculaire fut l’incendie des dépôts d’essence de la Compagnie industrielle maritime, associant dans la mémoire des Havrais l’exode et la défaite à un énorme panache de fumée noire recouvrant la Basse-Seine. Puis les Alliés ont, à de nombreuses reprises, en 1943 et 1944 surtout, bombardé une agglomération caractérisée par sa proximité avec l’Angleterre, ses activités portuaires et industrielles et une forte présence militaire. La dimension économique d’une décennie marquée par la guerre est étudiée et située dans une perspective plus longue. Après la crise des années 1930, l’activité de « la porte océane », un port ouvert sur le monde colonial et l’Amérique, s’est fortement restreinte. Les échanges se sont réduits du fait de la paralysie du transport et du négoce maritime et les activités industrielles nécessitant des produits coloniaux, l’industrie textile par exemple, [End Page 185] se sont réduites (l’économie du Havre et de sa région est restée longtemps sensible aux crises du marché du coton).

Toute recherche s’inscrit dans un travail collectif, y compris pour un spécialiste 10. Le rappellent l’avant-propos de Jérôme Prieur, auteur d’un documentaire sur le Mur de l’Atlantique pour lequel il a longuement interviewé Claude Malon, et la préface d’Hervé Joly, qui a dirigé de 2002 à 2009 le groupement de recherche du CNRS « Les entreprises françaises sous l’Occupation » 11. La mise en perspective de la vie économique sous l’Occupation et pendant la Reconstruction (d’où une chronologie qui ne correspond pas aux habituelles scansions politiques mais à laquelle les praticiens d’une histoire économique et sociale se sont habitués) permet de mettre en évidence les continuités, dont la permanence des hommes : alors que les sous-préfets se sont succédés (Le Havre, pourtant l’une des villes les plus peuplées du pays, n’est qu’un chef-lieu d’arrondissement), un même homme, négociant de coton, préside la chambre de commerce entre 1939 et 1945.

Il fut une France où l’on ne vit aucun uniforme allemand. Ce ne fut pas le cas du Havre. Pendant la Grande Guerre, la ville de garnison avait vu débarquer des Anglais puis des Américains (sans compter les réfugiés belges dont le gouvernement en exil s’était installé dans la banlieue bourgeoise de Sainte-Adresse). Entre 1940 et 1944, la ville abrita un...

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