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Reviewed by:
  • La Figure de l’intrus. Représentations postcoloniales maghrébines by Taïeb Berrada
  • Michel Laronde
Berrada, Taïeb. La Figure de l’intrus. Représentations postcoloniales maghrébines. Paris: L’Harmattan, 2016. isbn 9782343081663. 251p.

Contrairement à bon nombre de travaux universitaires, la richesse de l’essai critique de Taïeb Berrada ne se réduit pas à une introduction qui résume les points saillants des analyses qui s’ensuivent. Bien au contraire, l’introduction ne fait que lancer les pistes que va prendre une élaboration critique en crescendo, qui explore les ramifications du concept d’intrus à partir de la lecture ciblée d’une variété de textes, dont cinq romans d’auteurs maghrébins, le film Caché de Michael Haneke et la bande dessinée Azrayen’ de Christian Lacroix (alias Lax, le dessinateur) et Frank Giroud (le scénariste).

Si le philosophe Jean-Luc Nancy occupe une place centrale dans l’introduction, et reste un fil conducteur majeur de l’essai, c’est que son travail de réflexion sur sa propre expérience de greffe cardiaque, L’Intrus, est le point de départ de développements théoriques et analytiques que Berrada va faire fructifier dans le contexte postcolonial maghrébin. La thèse se pose alors en ces termes: “si tout espace de production culturelle est par essence hybride, il subsiste néanmoins des réactions de rejet d’un corps ‘intrus.’ Des contours, des seuils et des frontières se forment et c’est ce qui intéresse notre étude. La figure de l’intrus constitue un cas concret de figure qui expose l’articulation de cette relation postcoloniale franco-maghrébine au-delà de la ‘fracture coloniale’” (19). Ainsi, “[l]e minoritaire, mais aussi l’autochtone, l’indigène, le national, le patriote peuvent devenir des intrus à un moment donné tout en restant familiers dans la production du savoir” (11). Dans une première partie sur l’écrivain-auteur comme intrus, Berrada part de “l’auctorialité francophone maghrébine” (20) avec Une enquête au pays où Driss Chraïbi “devient aussi un intrus dans le texte,” où l’auteur “se trouve exposé, révélé dans le texte”; il poursuit avec l’auteur comme plagiaire (chapitre 2), qui fait que dans le roman de Fouad Laroui, La Fin tragique de Philomène Tralala, “[l]e texte plagié est un texte ‘sans-papiers,’ un intrus qui s’introduit dans le roman par effraction et qui le modifie” (21). Dans [End Page 219] la deuxième partie, les chapitres 3, 4, 5 étendent l’éventail du concept d’intrus afin d’explorer les aspects mémoriels qui prolifèrent dans le sillage du traumatisme nourri par la guerre d’Algérie, “tel un retour postcolonial du refoulé” (22). La Femme sans sépulture d’Assia Djebar est le texte approprié pour lancer cette partie sur la question des mémoires “intruses” qui apportent de nouvelles facettes aux notions-clés de ce domaine de la postmémoire — la conclusion rejoint Marianne Hirsch — qui est en pleine expansion dans les études postcoloniales. Les points d’attache en sont, entre autres, le désir de mémoire et le mal d’archive (Jacques Derrida), des notions qui conviennent parfaitement à “une parole spectrale, venue du hors-texte et pourtant introduite dans le texte” (95), celle des possédées, celle des meskounates, de ces femmes “habitées” par la maquisarde, la voix de la revenante Zoulikha, “une voix intruse à la fois dans le corps des meskounates, dans le corps textuel et dans le discours patriarcal [. . .] la parole des possédées étant une parole autre de l’histoire algérienne” (98). L’essai prend vraiment son envol dans cette deuxième partie, notamment avec le chapitre 4 où l’auteur assume son originalité en traitant la question de la postmémoire liée à la guerre d’Algérie dans une étude de la bande dessinée Azrayen’ qui est remarquable par la rigueur de l’analyse et la justesse des propositions, tant critiques que théoriques. Il en va ainsi de sa notion d’intrustoire pour désigner une forme spécifique d’intrusion, celle...

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