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  • Caraïbes
  • Isabelle Constant and Carole Edwards
Vété-Congolo, Hanétha. Mon Parler de Guinée. Paris: L’Harmattan, 2015. isbn 9782343069531. 144p.

Mon Parler de Guinée, d’Hanétha Vété-Congolo, se compose de plusieurs poèmes écrits de 2011 à 2012. La première partie entraîne le lecteur dans un tourbillon de lettres et de mots déracinés, scandés par une ponctuation capricieuse qui règle et dérègle le verbe au détour des phrases et fragments mélodieux. La poétesse révèle le plus profond de son moi en émoi tandis qu’elle mène la danse d’une multitude de paroles et d’images qui s’ouvrent pour laisser à peine apercevoir le reflet de son âme au milieu des décombres d’une mémoire ancestrale. Secoué par le tremblement d’une parole opaque qui suinte et qui hante au fur et à mesure de l’intensité du souffle propitiatoire du sujet naissant, le lecteur demeure hypnotisé par le jeu binaire du jour et de la nuit d’une mère génitrice qui fait rimer souffrance avec naissance. La transe de l’inconscient qui exulte d’un passé violent en français et en créole s’inscrit en grande circularité sur plusieurs continents: de l’Afrique à l’Amérique. L’auteure fait ressurgir sa mythologie pour démasquer les traîtres et les tortionnaires dont les meurtrissures du fouet continuent de cingler les plaies béantes. Plaies du dehors, qui rythment encore les blessures du dedans, sous le regard trompeur d’une “fausse amie” dévoilée. Puis plaidoirie sous forme de conte antillais de “la jeune fille qui épouse le diable,” clin d’œil aux souvenirs d’enfance qui édifient la personne que l’auteure est devenue et résonnent chez le peuple antillais. Euphorie d’un parcours illustré par les coupe-coupe de la réalité qui se dissimulent dans moult illustrations. La plume délicate caresse puis lacère au fil des pages qui mêlent réel et onirisme dans un cataclysme qui transcende le vécu pour s’ouvrir vers un devenir.

La deuxième partie commence par “clair du dedans,” un poème réalisé à Yaoundé pour deux hommes et une femme camerounais en 2012. C’est un hymne à l’Afrique qui retentit comme un chant de la terre-mère entre “Afrique réelle” et “Afrique mythique.” Hanétha Vété-Congolo trace ensuite son chemin sinueux de Guinée à travers le morne tandis que la parole singulière subsiste, toujours “en marche” et non en marge, pour s’affirmer comme caribéenne, porte-parole du peuple caribéen. Hymne à “manman Afrique” ou cacophonie de cris dans “la tête” pour exprimer la complexité de la Matinik, la poétesse fait fusionner les sentiments qui éclatent et se soudent, qui se dispersent et se métissent. Cœur à vif, corps et âme percés du désir de situer son péyi dans le monde, Hanétha Vété-Congolo saisit le [End Page 190] lecteur dans sa louange incantatoire. Mélopée envoûtante qui murmure pour mieux hurler au fil d’une parole au féminin, cette poésie pénètre l’esprit pour s’engouffrer derrière “Césaire, Fanon, Glissant” et questionner la Sainte Mère. Vers prières ou vers sensuels, quintessence de l’éloquence par la création d’une “langue langage” hydride, le lecteur vit la poésie comme un étourdissement enchanteur qui l’abasourdit et le comble. Le défilé des sons qui effl eurent puis flagellent rend la vie aux ancêtres noirs en faisant vibrer les lettres sur le papier. Ce recueil harmonieux de poésie à rebours et de l’avant charme et provoque, séduit et s’impose. Le délicieux alliage des souvenirs personnels, de la magie de la mémoire ancestrale parsemée de contes et proverbes antillais fait de ce recueil un produit unique et sublime. C’est un incontournable de la littérature caribéenne. [End Page 191]

Isabelle Constant
University of West Indies, La Barbade
Carole Edwards
Texas Tech University

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