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  • Le monde s’effondre ou Tout s’effondre?Traduire et retraduire Things Fall Apart en français
  • Sathya Rao and Sylvia Ijeoma Madueke

1. Une retraduction qui s’est fait attendre

Considéré comme le « patriarche » de la littérature africaine, Chinua Achebe (1930-2013) est l’auteur d’une œuvre à la fois abondante et diversifiée qui compte aussi bien des romans, des recueils de poésie, des essais que des livres pour enfants. Publié en 1958 aux éditions Heinemann dans la nouvelle collection « African writers series », le roman Things Fall Apart marque de façon éclatante l’entrée en littérature de l’auteur nigérian. Traduit en une cinquantaine de langues et diffusé à plusieurs millions d’exemplaires dans le monde, le roman connaît, dès sa sortie, un succès retentissant. Se déroulant au Nigeria à la fin de la XIXe siècle, Things Fall Apart narre le destin tragique d’Okonkwo, guerrier redouté et homme de pouvoir, dont la seule hantise est de ressembler à son père. Le roman offre également un témoigne authentique sur la vie d’un village igbo à l’aube de la colonisation britannique. Couronné de nombreux prix littéraires dont le Margaret Wong Memorial Prize (1959), Things Fall Apart fait désormais figure de classique de la littérature, que l’on retrouve au programme de cursus scolaires et universitaires.

Si le roman n’a cessé de susciter l’intérêt des critiques comme en témoigne la quantité de travaux qui lui sont consacrés, il en est de même de sa traduction. Ainsi la base de données Translation Studies Abstract (TSA) répertorie-t-elle pas moins de douze publications consacrées à la traduction de romans d’Achebe, dont cinq portent directement sur Things Fall Apart. À cela, il faut ajouter au moins quatre (Mbangwana ; Kolb ; Gołuch ; Bush), qui n’ont pas été recensés. La grande majorité de ces travaux concernent les traductions vers le français (D’Almeida ; Mbangwana ; Akakuru et Mkpa ; Bush). En outre, une poignée d’études s’intéresse à la traduction des œuvres d’Achebe vers d’autres langues comme l’espagnol (Martin; [End Page 531] Rodríguez), l’allemand (Aigner ; Kolb), le polonais (Gołuch) et le zoulou (Mkhize).

Dans le contexte français (comme d’ailleurs en Allemagne et en Pologne), Things Fall Apart a fait l’objet de deux traductions. La première d’entre elles a été publiée en 1966 chez Présence Africaine, sous le titre Le monde s’effondre. Signée par Michel Ligny, cette traduction a connu plusieurs rééditions (en 1972, 1988, 1990, 1997, 2000 et 2004) en format poche. Elle sera suivie, en 2013, année du décès d’Achebe, par la retraduction de Pierre Girard, publiée dans la collection « Littératures africaines » de la maison d’édition Actes Sud. Si l’on compare la chronologie des traductions de Things Fall Apart avec celle d’autres pays européens, l’on peut s’étonner du fait que la première traduction française ait été publiée huit ans après la version originale, contre à peine un an pour la traduction allemande (Kolb). Sans compter que l’Allemagne (Kolb) et la Pologne (Gołuch) comptaient déjà une retraduction bien avant 2013 et même deux dans le cas de l’Espagne (Rodríguez). Ce retard est d’autant plus surprenant que le roman d’Achebe était en rupture de stock en France dès 2006 (« Le Monde s’effondre » 522) et que son cinquantième anniversaire avait été célébré en 2008.

Quelles motivations ont-elles présidé à la retraduction de l’œuvre phare d’Achebe? Bernard Magnier, responsable de la collection « Littératures africaines » chez Actes Sud, donne la réponse suivante :

tout d’abord la volonté de faire (re)connaître dans le monde francophone cet écrivain majeur et ce livre capital dans l’histoire littéraire africaine, ensuite parce que son agent nous a proposé de rééditer son œuvre, enfin parce qu’il nous a paru important de retraduire ce titre, c’est-à-dire de faire avec une...

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