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  • A quoi nous sert le droit? by Jacques Commaille
  • Adélie Pomade
Jacques Commaille
A quoi nous sert le droit? Paris : Editions Gallimard, Collection « Folio essais », 2015, 522p.

L’ouvrage proposé par Jacques Commaille aborde de front les rapports réciproques entre le droit et la société ainsi que leurs impacts sur nos perceptions de la légalité et sur la régulation sociale. Il s’inscrit dans la lignée de ses travaux articulant nouvelles formes de mobilisation de l’action publique et incidences juridiques1. Toutefois, il constitue également, ainsi que l’auteur l’indique, l’aboutissement de longues années d’échanges et de collaborations sur les mutations enchevêtrées des cadres juridiques et de nos sociétés.

Interpellant juristes et sociologues dès l’introduction, et adoptant d’emblée le positionnement d’une mise en contexte du droit, l’auteur énonce clairement que les transformations de l’activité juridique ne peuvent se comprendre sans une observation systématique des mutations de nos sociétés.

L’auteur part de l’avènement d’une postmodernité dans le cadre de laquelle s’est imposée une représentation du droit dépassant le seul « corps de règles impératives et autonomes, porteuses de vérités universelles et intangibles » pour atteindre celle d’un droit « “ressource” faisant l’objet d’appropriations diversifiées par les acteurs » sociaux, économiques et politiques (p. 16). Il fait alors le pari de « dépasser les incompatibilités entre ceux qui s’attachent exclusivement aux “contenus normatifs” du droit et ceux qui “installent” le droit “dans le champ mouvant des pratiques collectives”, pour “prendre en compte simultanément les spécificités du droit et ses déterminants socio-politiques et culturels” » (p. 25). Son objectif est clair : « mieux comprendre (…) le sens des transformations du droit et celui des sociétés actuelles » (p. 25). L’un des enjeux porté par Jacques Commaille est de montrer que le paradigme de domination, selon lequel le droit est considéré comme un instrument coercitif et répressif au service de l’État n’est plus en adéquation avec ce que nous dit le droit des sociétés actuelles.

Les trois parties de l’ouvrage adoptent un fil conducteur efficace présentant la « construction sociale du droit », « le bouleversement des contextes du droit » et « les mutations contemporaines de la légalité » liées à ce bouleversement.

Dans la première partie, Jacques Commaille « tente de mieux cerner ce qu’est le droit à travers la manière dont il se présente et dont il est représenté ». Il place alors un accent particulier sur ses émetteurs et sur ses locuteurs, en ce qu’ils occupent une place centrale d’agissants sur et d’agissants dans les mutations des sociétés (p. 36).

Après avoir retracé et explicité la construction du droit moderne autour de l’idée de Raison et sa fonction centrale de régulation descendante « top-down » suivant le modèle pyramidal où le sommet (le pouvoir politique…) ordonne et la [End Page 497] base (la société) se soumet, l’auteur envisage l’existence d’une alternative en proposant une approche différente de la légalité, davantage connectée au social (p. 67). Étroitement liée à l’idée de justice, la perception de la légalité évolue alors en faveur d’un fonctionnement du social et du politique plus ascendant « bottom-up ».

Dès lors, la légalité envisagée dans un contexte moderne est contestée par une autre conception selon laquelle le droit se construit et se met en œuvre sous l’influence de ses environnements sociaux, culturels et politiques. Partant, l’auteur propose de parler de « légalité duale » (p. 83). Selon cette approche, le droit n’est plus une référence imposée d’en haut, mais aussi une ressource pouvant être créée et activée au sein de la société civile. L’objectif de l’auteur est de saisir l’expression et les manifestations de cette dualité, de tenter de convaincre de la pertinence d’une prise en compte de l’inscription sociale, culturelle...

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