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Reviewed by:
  • Ethnic Boundary Making: Institutions, Power, Networks by Andreas Wimmer
  • Philippe Poutignat
Andreas Wimmer
Ethnic Boundary Making: Institutions, Power, Networks
Oxford, Oxford University Press, 2013, VII-293 p.

Cet ouvrage est une contribution marquante aux théories de l’ethnicité qui, sans remettre en cause ce qu’Andreas Wimmer nomme le « consensus constructiviste », en mesure les limites et vise à les dépasser. De façon cohérente avec l’approche wébérienne qui conclut au caractère définitivement fuyant de l’ethnicité, il n’est plus question de définir ce qu’elle est « vraiment ». À la place des questions d’ontologie et d’épistémologie dans lesquelles se seraient embourbées les approches constructivistes, l’auteur propose de développer le cadre théorique d’une entreprise comparative et analytique de grande envergure qui intègre, dans un seul et même domaine, ethnicité, « race » et nationalité. Revendiquant s’inspirer de la sociologie analytique, il émet l’hypothèse, pour expliquer l’emprise variable de l’ethnicité sur la vie des individus selon les sociétés et les contextes, de processus récurrents et du caractère fini des modalités de sa production.

La question des frontières sociales au centre de cette entreprise unit un aspect catégoriel à un aspect relationnel et combine trois courants de recherche : celui de l’anthropologue Frederik Barth qui a rapporté l’existence des groupes ethniques au maintien de leurs frontières ; la problématique wébérienne de la fermeture sociale qui focalise l’analyse sur les intérêts à faire ou à défaire les frontières entre des « nous » et des « eux » ; la « lutte des classements » de Pierre Bourdieu qui permet le déploiement de cet aspect dynamique et stratégique en prenant en considération les positions de pouvoir et les relations de domination qui soustendent la légitimation des principes de vision et de division du monde social.

Plusieurs typologies, qui sont autant d’étapes dans la construction théorique proposée par l’ouvrage, ordonnent les données tirées d’une masse impressionnante d’études de cas ou de comparaisons partielles. Sont d’abord identifiés les stratégies d’acteurs pour former ou transformer les frontières et les moyens de les [End Page 827] faire aboutir. Placée sous les auspices de Georg Simmel et, de façon plus contestable, de Claude Lévi-Strauss, une (quasi) taxinomie étend des typologies déjà existantes et cherche à épuiser toutes les possibilités ouvertes par la métaphore des frontières. Les propriétés de cellesci sont analysées selon quatre dimensions : la saillance politique, la fermeture sociale, la différenciation culturelle et la stabilité dans le temps. Un modèle processuel et multiniveaux rend compte de leurs configurations. La structuration des champs sociaux par l’environnement institutionnel, la position des acteurs dans les hiérarchies de pouvoir, leurs dotations en capitaux et, enfin, la portée politique de leurs alliances viennent contraindre la lutte des classements dans laquelle est prise la formation des frontières. Cette lutte est aussi une négociation aboutissant à un consensus qu’A. Wimmer désigne comme un « compromis culturel » et dont il a développé la théorie entre hégémonisme gramscien et équilibre fonctionnaliste.

Le chapitre consacré à l’ethnicité des immigrants illustre cet art de synthétiser des théories existantes pour montrer leurs insuffisances (« comment ne pas penser l’ethnicité », p. 16) et exposer, par contraste, un modèle alternatif (« comment penser l’ethnicité, le paradigme de la formation groupale », p. 26). Les principales approches de la sociologie américaine héritent de l’ontologie sociale de Johann Gottfried von Herder (une autre façon de désigner l’essentialisme) : le monde serait habité par des « peuples » qui sont autant de « totalités » que distinguent une culture singulière, une solidarité communautaire et le sens d’une identité commune. Cette ontologie devenue doxa, la division de la société selon des lignes ethniques (plutôt que les classes sociales ou les religions) a représenté la voie toute tracée pour étudier l’incorporation des immigrants dans une société d’accueil, comme...

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