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  • La Sécurité sociale. Une institution de la démocratie by Colette Bec
  • Christian Chevandier
Colette Bec
La Sécurité sociale. Une institution de la démocratie
Paris, Gallimard, 2014, 328p.

Avec notamment l’ouvrage de Robert Castel 1, qui, depuis une vingtaine d’années, imprègne peu ou prou tous les travaux d’histoire sociale qui se préoccupent du travail, de la pauvreté ou des politiques sociales, l’apport des sociologues est, dans ce domaine, considérable. C’est œuvre d’historienne qu’a effectué la sociologue Colette Bec, mettant en perspective l’histoire d’une institution particulière, la Sécurité sociale, dans la continuité de ses travaux sur l’État social et sur les pratiques d’assistance, dans un cadre politique donné, celui d’une démocratie.

Un quart de l’ouvrage est consacré aux politiques sociales de la IIIe République puis à celles de Vichy, qu’à la différence de la plupart des historiens C. Bec distingue du fait de la différence de nature des projets des deux régimes « à propos de l’orientation et de l’organisation de la société » (p. 85). Dès la Révolution française, l’enjeu est de lier les individus devenus libres pour que puisse être organisée [End Page 821] une vie collective. C’est ce que tentent de résoudre les trois lois d’obligation, pour les retraites ouvrières et paysannes (1910), les assurances sociales (1928 et 1930) et les allocations familiales (1932). Elles rompent avec ce moment décisif de la IIIe République, la loi de 1898 sur les accidents du travail, en imposant une cotisation à un employeur qui n’a pas la moindre responsabilité dans le risque couvert (la vieillesse, la maladie qui n’est pas liée au travail, l’accroissement de la famille).

Un deuxième quart est consacré à l’année 1945, aux ordonnances qui mettent en place l’institution et à son « ambiguïté fondatrice », lorsque l’une des réformes de la Libération se délaye dans les velléités centrifuges de ceux que l’on ne dénomme pas encore « acteurs sociaux ». Les deux conceptions de la protection s’opposent alors, celle de l’assurance étayée sur le monde du travail et, au moment où le « Rapport sur l’assurance sociale et les services connexes » de William Beveridge façonne la politique sociale outre-Manche, celle d’une protection fondée sur la solidarité à l’échelle de la nation. La rupture entre les principes mis en œuvre semble essentielle à C. Bec, qui insiste sur le fait que l’État devient alors le « garant » de la construction d’une société moins injuste, moins socialement violente. Peut-être un intérêt plus poussé auraitil pu être accordé à André Philip ? Celui-ci fut sans doute le principal rédacteur des différents projets de constitution de la IVe République, un passeur entre les milieux socialistes, chrétiens et gaullistes où l’on pensait ces questions, influent dans les mondes politique, intellectuel et associatif, l’un des rares à s’y intéresser de part et d’autre de la guerre, député rapporteur des lois sociales du Front populaire à la Chambre, ministre de l’Économie nationale et des Finances dans le cabinet de Félix Gouin, en janvier 1946, puis dans le gouvernement de Léon Blum, en décembre 1946. Plus peut-être que celle de Pierre Laroque, la carrière de Philip permet de prendre la mesure du temps long de ces dynamiques.

La troisième partie est celle de la dérive gestionnaire, avec notamment le tournant (l’auteure parle même du « moment 1967 ») des ordonnances de 1967, lorsqu’il s’agit de rétablir l’« équilibre » des comptes, une démarche qui laisse de côté l’objectif initial des politiques sociales alors que, dès 1910, un juriste pouvait s’inquiéter du « gonflement croissant des dépenses publiques destinées à guérir le paupérisme » (p. 198). La question ne devient plus que technique, la primauté de l’ordre économique se substituant à celle de l’ordre politique. Commence alors logiquement...

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