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  • Die Berechnung der Glückseligkeit. Statistik und Politik in Deutschland und Frankreich im späten Ancien Régime by Lars Behrisch
  • Christine Lebeau
Lars Behrisch
Die Berechnung der Glückseligkeit. Statistik und Politik in Deutschland und Frankreich im späten Ancien Régime
Ostfildern, Jan Thorbecke Verlag, 2016, 573p.

Lars Behrisch consacre un ouvrage dense et érudit à l’étude de la statistique, entendue, au sens moderne, comme la collecte et l’agrégation de données sur la population et la production. Selon son hypothèse de départ, les chiffres et les calculs acquièrent une importance nouvelle dans le dernier tiers du XVIIIe siècle. Outils d’analyse et de prévision, les statistiques deviennent l’instrument incontournable du gouvernement éclairé. Les registres des impôts et des douanes, les listes de conscription, les registres paroissiaux ne répondaient auparavant qu’à un usage immédiat, sans caractère de généralité, et ces chiffres étaient seulement collectés mais non agrégés. L. Behrisch met en lumière un changement quantitatif : le gouvernement ne se fonde plus seulement sur l’information mais il repose sur une perception du territoire comme système de producteurs et de consommateurs. Sa finalité est de garantir la félicité du plus grand nombre.

Ce discours, forgé par les caméralistes allemands depuis le début du XVIIIe siècle, soustend les projets des administrateurs outre-Rhin et rejoint, selon L.Behrisch, le projet physiocratique français. La publicité constitue un accélérateur de la mise en place du « calcul de la félicité » en concentrant l’attention sur les chiffres et en légitimant leur usage. L’étude [End Page 808] de la formation d’une « boussole de gouvernement » (Vauban) n’est cependant abordée ni du point de vue de l’histoire des sciences, ni de celui de l’histoire de l’information, laquelle identifie augmentation de la puissance et accroissement du savoir. L’auteur indique en revanche sa dette envers l’histoire culturelle du politique et l’histoire des procédés développée par Barbara Stollberg-Rilinger.

La comparaison de trois espaces permet de développer à la fois le caractère européen du phénomène et ses particularités régionales. L. Behrisch propose trois études de cas à partir du comté de Lippe dans le Nord-Ouest de l’Allemagne, de l’électorat de Bavière et du royaume de France. Pour chacun de ces territoires, il réunit un solide dossier sur les enquêtes démographiques et les statistiques agricoles réalisées au cours du XVIIIe siècle, à l’exception de la césure de la guerre de Sept Ans. La différence de taille (70 000 habitants pour le comté de Lippe, 1,2 million pour la Bavière) est résolue par la comparaison avec l’intendance d’Auvergne pour la France, choisie pour la qualité de sa documentation qui permet de reconstruire non seulement la communication avec Versailles mais aussi les efforts menés au niveau local.

Un premier développement permet à l’auteur de tracer les contours du modèle de Lippe. Au-delà des enquêtes démographiques, d’ores et déjà étudiées par Jochen Hoock et Neithard Bulst, L. Behrisch s’appuie sur de riches archives, notamment sur les rapports généraux (Generalberichte) que les commis locaux envoyaient une à deux fois par an à l’administration du comté, qu’il compare avec les articles insérés dans les gazettes (Intelligenzblätter). L’achèvement du cadastre (Bonitierung) en 1767 et la volonté de réduire la dette constituent le terreau d’une première enquête démographique réalisée en 1769. Rapidement, un questionnaire plus complexe est élaboré : le projet de 1776 prévoit le « recensement récurrent de tous les habitants du comté et la réalisation d’un état de l’agriculture et des denrées disponibles » (p. 113). L. Behrisch en souligne les spécificités : non seulement les données sont agrégées pour livrer une vue globale du territoire, mais les chiffres sont aussi « délocalisés et...

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