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  • Les universités au risque de l’Histoire. Principes, configurations, modèles ed. by Yamina Bettahar and Marie-Jeanne Choffel-Mailfert
  • Christophe Granger
Yamina Bettahar et Marie-Jeanne Choffel-Mailfert (dir.)Les universités au risque de l’Histoire. Principes, configurations, modèles
Nancy, Presses universitaires de Nancy/Éditions universitaires de Lorraine, 2014, 522p.

Les universitaires, on le sait, sont diversement portés à l’objectivation des conditions du travail universitaire. Et s’il est tentant de rabattre toute tentative en ce sens sur le tracé d’une littérature, souvent critique, qui, ces dernières années, sous l’effet de la « réforme » des universités, est bel et bien devenue foisonnante, on ne saurait trop se réjouir pourtant de voir des universitaires se pencher encore, collectivement, et avec de véritables outils d’intellection, sur les institutions qui sont les leurs. Issu d’un colloque, cet ouvrage se donne un point de départ qui mérite l’attention : convaincu, à juste titre, de ce que, depuis une quinzaine d’années, « le système universitaire français a été confronté à un mouvement continu de réorganisation institutionnelle » (p. 9), il articule quinze contributions, venues de disciplines « voisines » (sociologie, histoire, philosophie, sciences de l’information), autour de cette certitude trop peu discutée que, s’agissant des exigences de modernisation qui leur sont sans cesse faites à présent, « les universités ont eu, et auront, à négocier avec leur histoire » (p. 12).

Ce point de départ, malgré l’évidente prudence dont l’entourent les auteurs, vaut aujourd’hui acte de méthode scientifique : historiciser les institutions d’enseignement supérieur et de recherche, ce n’est pas seulement donner les moyens de juger de ce qu’elles sont au regard de ce qu’elles étaient, c’est surtout, dans un monde qui rapporte tout à l’instante urgence du présent, remettre de la durée dans l’existence des choses universitaires afin de se donner les outils pour comprendre vraiment ce qu’elles sont et ce qu’elles peuvent être. « L’introduction du temps long permet de rappeler que des questions qui sont depuis si longtemps imbriquées dans l’histoire de l’université ne pourront sans doute pas être résolues par la seule vertu de l’implication dans un processus qu’il soit de Lisbonne ou d’ailleurs » (p. 50).

Les universités sont-elles des institutions comme les autres ? De quel genre de dispositifs organisationnels et de système de valeurs relèvent-elles ? Comment se prennent les décisions qui y ont court ? Quel type de régulation de la profession y est en vigueur ? Ou encore quel lien ces institutions entretiennent-elles avec l’État, d’une part, et avec la formation et la reproduction des élites, locales et nationales, d’autre part ? C’est à partir de ces questions, classiques, et des formalités historiques de leur résolution que procède l’ouvrage. Il avance, pour cela, sous la forme d’un emboîtement serré : l’étude détaillée d’institutions locales (les universités de Nancy, d’Alger, de Lille et de Strasbourg) s’articule à des comparaisons internationales (Prague, Lisbonne, Chili, Luxembourg, Japon) ; l’analyse des structures pédagogiques (le cours magistral) et des logiques du bâti universitaire (la construction de l’université de Nancy) s’éclaire de celle des «moments » de problématisation publique du fait universitaire (sous la IIIe République, après mai 1968).

Pour prendre la mesure de son propos, ce n’est pas faire violence à l’édifice que d’en extraire trois textes qui, s’ils ne sont pas les plus « historiens » en apparence, font voir les potentialités de ce raisonnement par l’histoire que l’ouvrage veut mettre en œuvre. Ils concernent, chacun, l’un des aspects de ce qu’implique pour les universités que d’être, et d’avoir été, un genre particulier d’institution, à la fois dans l’exercice et la négociation d’une forme d’organisation plus ou moins indépendante de l’administration centrale, dans l’adoption de critères bureaucratiques destinés à doter les universités d’une utilité collective, et...

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