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Reviewed by:
  • Daum’s Boys: Schools and the Republic of Letters in Early Modern Germany by Alan S. Ross
  • Sébastien Schick
Alan S. Ross
Daum’s Boys: Schools and the Republic of Letters in Early Modern Germany
Manchester, Manchester University Press, 2015, XIII-235 p.

À l’origine et au cœur de cet ouvrage, tiré d’une thèse de doctorat, se trouve un fonds documentaire exceptionnel qui est consacré à Christian Daum (1612–1687), le professeur puis le recteur d’une « école latine » (Lateinschule) – une école communale, préparatoire à l’université, que l’on pouvait fréquenter dès ses six ans – à Zwickau, dans la Saxe électorale. Alan Ross a retrouvé quelque 5 177 lettres que 490 destinataires différents envoyèrent à Daum, la liste des 10 000 livres qu’il possédait, ou encore la matricule qu’il tint, à titre personnel, afin de répertorier l’identité de ceux qui fréquentèrent les bancs de son école. Tout l’intérêt de cet ouvrage aussi passionnant que concis réside dans le fait qu’A. Ross n’a pas pour ambition d’écrire la biographie d’un érudit saxon : il propose plutôt, à partir de ce fonds privé, l’analyse du rôle socioculturel que jouait ce type d’école pour ceux qui le fréquentèrent et pour la communauté urbaine tout entière.

Le choix de cet établissement permet de déplacer le regard depuis les académies jésuites et les universités, bien plus considérées par l’historiographie, vers l’école communale protestante, dont le rôle semble avoir été central dans de nombreux territoires du Saint-Empire. Les questionnements et les méthodes de l’histoire sociale que privilégie l’auteur, s’ils ne sont sans doute pas aussi novateurs que celui-ci le prétend parfois (les travaux de Jean-Luc LeCam sont à peine évoqués), permettent toutefois de rompre avec les habitudes d’une historiographie allemande de l’enseignement et de l’université, qui préfère souvent, aujourd’hui encore, les approches par le contenu enseigné et le fonctionnement institutionnel. Derrière l’école, ce sont bien les stratégies sociales de ses usagers qu’A. Ross reconstitue, et leurs interactions avec les autres « institutions » que sont la ville, le territoire ou encore laRépublique des Lettres.

Grâce à ce parti pris méthodologique, l’auteur contribue à délivrer l’école protestante d’une tradition historiographique qui l’analysait surtout, depuis les travaux de Gerald Strauss, comme [End Page 792] l’une des institutions centrales de l’« endoctrinement de la jeunesse » (Indoctrination of the Young) (p. 7), c’est-à-dire comme un moyen par lequel les réformateurs et les gouvernants parvenaient à diffuser la nouvelle religion. Or, si l’on considère l’école protestante à partir des usages qu’en firent ses professeurs et ses élèves, elle n’apparaît plus comme l’un des piliers de l’émergence d’un État moderne à l’échelle territoriale, mais bien davantage comme un lieu de distinction sociale : non seulement pour les élèves, dont le profil était extrêmement varié – c’est en fait une majorité des garçons de Zwickau qui y passa une ou deux années au moins –, mais aussi pour un érudit comme Daum, qui s’appuya sur elle pour construire son image de lettré et devenir un membre de la République des Lettres. Car ce qui frappe, ce n’est pas tant la soumission de Daum aux décisions du conseil de la ville ou du consistoire, mais bien sa liberté pédagogique, par laquelle il construisit un profil de chercheur ; ce sont les marges de manœuvre des élèves (et de leurs parents) dans le choix d’une école et d’un parcours scolaire, et non pas leur soumission à une institution communale qui serait contrôlée par le pouvoir urbain ou princier.

Dans le chapitre qui sert d’introduction sur la situation politique et le cadre institutionnel de la ville de Zwickau, l’auteur rappelle que la multiterritorialité du Saint-Empire avait pour conséquence de créer une forte concurrence entre différents établissements scolaires, une...

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