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Reviewed by:
  • Négocier la défense. Plaider pour les criminels au siècle des Lumières à Genève by Françoise Briegel
  • Déborah Cohen
Françoise Briegel
Négocier la défense. Plaider pour les criminels au siècle des Lumières à Genève
Genève, Droz, 2013, 392p.

Françoise Briegel considère que les historiens qui se sont intéressés à la question du droit de punir l’ont fait dans une optique trop strictement étatique, liant droit de glaive et construction de l’État moderne. À cette vision politico-étatique, elle entend opposer celle du combat réformateur mené au siècle des Lumières, lié à un « individualisme libéral » ou à des théories du droit naturel. Outre le fait qu’une telle proposition est loin d’être novatrice, les contours de ces théories restent vagues et l’on ne sait jamais précisément qui les porte, pourquoi et comment elles définissent des identités politiques et sociales. Le projet téléologique d’écrire l’histoire de la « prise en considération de plus en plus marquée des droits des accusés dans le procès criminel » (p. 141) (sans d’ailleurs prendre en compte l’évolution des sentences), ainsi que celle, connexe, des progrès de la publicité et du légalisme, a de quoi rebuter d’emblée – d’autant que cette belle histoire linéaire n’est pas portée, de manière quelque peu contradictoire, par un récit chronologiquement clair, mais prise dans les circonvolutions multiples d’analyses faites d’allers-retours et de répétitions, que clarifient heureusement quelques schémas donnés en annexe. Malgré cela, on trouve abondamment matière à penser dans ce travail touffu dont ce bref compte rendu ne peut donner qu’une idée partielle. [End Page 777]

Malgré elle, c’est bien d’une imbrication du politique et du judiciaire que nous entretient F. Briegel. Le Petit Conseil, organe supérieur de la République genevoise, exclusivement composé de citoyens, est à la fois un pouvoir politique, législatif et judiciaire, car treize de ses vingt-cinq membres élus à vie forment le tribunal criminel. Il a sous sa tutelle le Grand Conseil, ou Conseil des Deux-Cents (formé de 200 membres, citoyens ou bourgeois), qui cherche à s’en émanciper, notamment en jouant sur les recours en grâce qui lui sont portés et dont l’élargissement tend à faire un tribunal d’appel. Un troisième conseil joue un rôle important, le Conseil général, composé lui aussi de citoyens et de bourgeois, et revendiquant le titre de souverain. Entre ces trois institutions, il semble que les revendications juridiques soient aussi des coups politiques dont les logiques auraient pu être davantage mises en évidence. Et ce, d’autant plus que la république genevoise est, jusqu’en 1792, une société à statuts, où les privilèges sont tout à la fois politiques et juridiques et où la bourgeoisie représentante, souvent majoritaire au Grand Conseil, conteste son exclusion du Petit Conseil. Natifs, habitants, sujets et étrangers sont, semble-t-il (car on les voit peu dans l’ouvrage), en partie acteurs dans ces conflits, mais leurs droits semblent être aussi en partie l’objet instrumentalisé des luttes.

À partir de très nombreuses sources légales imprimées, F. Briegel retrace l’histoire des modifications apportées au xviiie siècle à la procédure inquisitoire genevoise. Deux édits pivots émergent : celui de 1734, qui autorise un accusé jugé pour crime grave à choisir une procédure contradictoire, c’est-à-dire à se faire assister d’un avocat qui pourra rédiger un mémoire ou prononcer une plaidoirie de défense ; et celui de 1768 qui rend désormais possible d’avoir un défenseur pour ceux qui ont commis des délits mineurs. Surnommé l’« édit des pistolets », le texte de 1768 est réputé avoir été le produit d’un combat armé : or, ni pour lui ni pour les autres ne sont réellement donnés les éléments expliquant la modification des rapports de force. On a le sentiment que « les choses arrivent » ; un progrès se...

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