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Reviewed by:
  • La démocratie contre les experts. Les esclaves publics en Grèce ancienne by Paulin Ismard
  • Noémie Villacèque
Paulin Ismard.
La démocratie contre les experts. Les esclaves publics en Grèce ancienne Paris , Éd. du Seuil , 2015 , 288p.

À l’heure où les Français se sentent plus que jamais coupés des élites qui les gouvernent, au point que certains, tel Arnaud Montebourg, proposent, dans la perspective des élections présidentielles de 2017, de remplacer le Sénat par une assemblée de citoyens tirés au sort et de renouveler la haute administration à chaque alternance politique (France Inter, « le 7/9 » du 8 juin 2016), l’ouvrage de Paulin Ismard trouve un écho particulier. L’auteur aborde les cités grecques, et tout particulièrement l’Athènes démocratique, par un biais tout à fait original, celui des esclaves publics. Belle idée que d’examiner le fonctionnement d’un système par le prisme de ceux-là mêmes qui en sont exclus, et d’autant plus intéressante que ces esclaves publics ont été généralement délaissés par les historiens – à l’exception notable, mais ancienne, d’Oscar Jacob 1. Dès l’introduction, l’auteur fait le choix d’un « comparatisme différenciatif » qui va, de façon aussi pertinente que stimulante, éclairer son propos tout au long de l’ouvrage.

P. Ismard commence par aborder la question de l’apparition de l’esclavage public : il examine le dêmiourgos homérique, ce spécia-liste, itinérant ou sédentarisé, qui se met au service d’un souverain, sans pour autant appartenir à la communauté servile. Le dêmiourgos est un personnage de la marge, comme le montre l’analyse des figures de Phémios, Médon ou encore Dolon. Dédale, dont la figure est invoquée par Diodore de Sicile – mais aussi, avant lui, le Socrate des Mémorables de Xénophon – annoncerait le dêmosios de l’époque classique : en effet, pour reprendre les termes de P. Ismard, « le récit dédalique signe [...] la faille que représente la compétence technique – et plus largement le savoir technicien – dans l’ordre du pouvoir » (p. 46). Dans les inscriptions, les esclaves publics apparaissent à l’époque archaïque ; la cité leur confère alors un certain nombre de droits et d’honneurs, comme en témoigne, en Crète, le cas du scribe Spensithios. Certes, les tyrans ont joué un rôle non négligeable dans l’essor de l’esclavage public, mais ils n’en sont pas la cause. Selon l’auteur, celle-ci serait plutôt à rechercher du côté de cette place si particulière dévolue aux dêmiourgoi depuis le haut-archaïsme, mais aussi du côté du développement de l’esclavage-marchandise et de la réorganisation politique de nombreuses communautés civiques, notamment de la mise en place d’un régime démocratique à Athènes.

P. Ismard s’attache à élaborer une typologie de l’esclavage public : en effet, ces dêmo-sioi, qui, dans la cité athénienne par exemple, étaient entre 1 000 et 2 000 à l’époque classique, étaient employés à des tâches diverses. Ceux que l’on appelle communément les « archers scythes » sont peut-être les plus connus, pour la fonction de police urbaine qu’ils assuraient à Athènes, mais les esclaves publics étaient également employés sur les chantiers comme artisans, affectés à diverses tâches selon leurs compétences, dans les tribunaux pour le tirage au sort des juges et le décompte des bulletins de vote, au Conseil ou dans certains sanctuaires, où leur travail d’archivistes était essentiel (rédaction, classement, conservation), en tant que comptables auprès des magistrats, mais aussi comme « vérificateurs » des monnaies et garants de la conservation des étalons des poids et des mesures [End Page 743] civiques ; ils pouvaient parfois même être prêtres. La grande majorité d’entre eux avait été achetée sur des marchés, mais certains étaient eux-mêmes enfants de dêmosioi, tandis que d’autres avaient été offerts à la cité par quelque bienfaiteur. Ils...

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