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Reviewed by:
  • The French Screen Goddess: Film Stardom and the Modern Woman in 1930s France by Jonathan Driskell
  • Sonia Assa
Driskell, Jonathan. The French Screen Goddess: Film Stardom and the Modern Woman in 1930s France. London & New York: I.B. Tauris, 2015. Pp 240. ISBN 978-1-78076-700-0. $94 (Hardback).

La décennie sur laquelle se penche Jonathan Driskell fut une époque de grande instabilité politique, de scandales financiers et de crise économique, mais ce fut également une époque de grande créativité pour le cinéma français. Le cinéma s’imposait alors comme le loisir préféré de toutes les classes sociales, tandis que les maîtres du réalisme poétique : Jean Renoir, Jean Vigo, Marcel Carné, Julien Duvivier, René Clair, produisaient leurs plus beaux films. Par un processus qu’ils appelaient « photogénie », les objets, les paysages ou les personnes les plus ordinaires se trouvaient dans leurs films transfigurés sous l’œil magique de la caméra, grâce à son mystérieux pouvoir de transformation et de révélation.

The French Screen Goddess est la première étude scientifique dédiée aux « stars » de l’âge d’or du cinéma français. Selon Driskell, l’hypothèse centrale des spécialistes en Études culturelles est que les stars seraient, d’une part, assimilées à des « denrées » que l’industrie cinématographique utilise pour obtenir un maximum de profits. D’autre part, elles accompliraient une tâche idéologique importante puisqu’elles incarnent et perpétuent les valeurs et les modes dominants de penser et de ressentir de toute une époque. Driskell considère trois stars françaises, Annabella, Danielle Darrieux et Michèle Morgan. Celles-ci influencèrent non seulement narrations, choix des thèmes et des situations, mais aussi le style visuel des films dans lesquels elles apparaissaient. Elles contribuèrent à définir un nouveau concept de la féminité – celui de la femme ou la jeune fille « moderne » (cheveux courts, mince, désinvolte, indépendante) – qui s’imposa globalement grâce aux nouvelles communications de masse. Incarnation cinématographique de la jeune fille athlétique et sûre d’elle que Proust faisait gambader sur les plages de Normandie, elle présentait deux [End Page 146] différences notoires avec la « nouvelle femme » de la Belle Epoque: elle n’appartenait plus à l’élite, et elle n’était plus activement féministe.

Toutefois, les films des années trente étaient élaborés dans un registre sociologique qui devait permettre au réalisateur de décrire son sujet féminin de l’extérieur, le construisant non comme une conscience ouverte au monde mais plutôt comme l’instance d’une condition ou type social (la prostituée, la midinette, la danseuse de music-hall, la parisienne gouailleuse, etc.) Driskell analyse la contradiction inhérente aux productions du réalisme poétique : les réalisateurs étaient partagés entre le désir de céder à la vision conservatrice et nostalgique d’une féminité « authentique » (émotions intenses, irrationalité, docilité), et l’attraction de la modernité, et réussissaient à la fois, comme le roman du XIXe siècle, à renverser les valeurs bourgeoises et à les renforcer.

Ainsi, si le physique et le jeu « naturel » d’Annabella imposaient une image séduisante de la femme moderne, elle incarnait cependant dans ses films les plus célèbres (Le Million de René Clair, Hôtel du Nord de Marcel Carné), le type parfait de la midinette : pure, soumise, humble, délicate, vulnérable. Darrieux pouvait apparaître presque masculine ou du moins androgyne dans ses toilettes, mais son élégance rendait ces écarts « acceptables ». Le contraste entre sa « modernité active » et sa passivité transcendante était constamment souligné. Quant à Michèle Morgan, avec ses grands yeux pleins d’âme et son air songeur, elle se situe dans la lignée de la femme-enfant surréaliste, séduisante, imprévisible et opaque, à peine pourvue d’élocution, objet de désir et inconnue à elle-même. Dans Le Quai des brumes, de Marcel Carné, elle regarde constamment vers les lointains, donnant l’impression de désirer « une autre vie », de ressentir la nostalgie...

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