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  • Traduction, une expérience en langue amazighe de Kabylie
  • Ben Mohamed (bio)

Extrait du poème « Ay Atmaten » (Frères)Traduction de Ramdane Achab

Pays terre de la vieEn toi prolifère la mortTon séisme est intérieurEt fait s’effondrer les êtresLe vent souffle sur le marchéIl installe la terreurLa gent humaine est avachie

Avant tout, je tiens à avertir le lecteur que la présente réflexion sur les problèmes de traduction est tout simplement le produit d’une expérience personnelle. Elle ne s’appuie sur aucune théorie universitaire résultant d’une recherche savante en la matière. C’est dire que je ne prétends défendre aucune vérité si ce n’est la mienne, telle qu’elle m’apparaît à ce jour et qui peut évoluer demain. C’est le travail d’un militant conscient que toute langue qui disparaît entraîne avec elle la disparition de la culture qu’elle véhicule. Ce savoir spécifique fait partie du patrimoine universel et sa perte constituerait un appauvrissement non seulement de sa communauté d’origine, mais aussi de l’humanité tout entière. [End Page 227]

J’ai reçu cet héritage de mes parents et de mon environnement. Aujourd’hui, je me sens le devoir de le protéger, de le développer et de le transmettre à mon tour, car si je ne commence pas à le faire en tant qu’Amazigh de Kabylie, je ne pourrai reprocher à personne de l’abandonner à l’agonie. Je suis conscient que la culture véhiculée par ma langue maternelle contient, comme toutes les autres cultures, des éléments positifs et des éléments négatifs. La meilleure façon de réussir le tri et de la développer, c’est de commencer par travailler pour sa meilleure connaissance et sa meilleure maîtrise. C’est dans cette perspective que je considère que le travail de traduction vers (ou à partir de) ma langue constitue le meilleur moyen de la confronter aux autres cultures et de créer des ponts d’échanges avec celles-ci. Cela permet aussi de suivre l’état d’avancement de l’une et de l’autre de ces cultures.

Les traductions ou adaptations dans lesquelles je me suis aventuré ont eu pour cible ou origine le parler kabyle qui est une des nombreuses variantes de la langue amazighe (berbère) d’Algérie. Aussi me semble-t-il utile de commencer par donner quelques repères et spécificités concernant ce parler, avant d’aborder ma démarche et les enseignements tirés de mes différentes expériences.

La langue amazighe, ou tamazight, est la langue originelle parlée et écrite dans le nord de l’Afrique avec une extension, dont on trouve actuellement des traces, depuis l’oasis de Siwa en Egypte jusqu’aux îles Canaries, ainsi que dans tous les pays limitrophes situés au sud des pays faisant partie de ce qui est actuellement appelé le Maghreb.

L’évolution du peuple amazigh, à travers les aléas de l’histoire et autres phénomènes naturels, a poussé ce peuple à la dispersion sur une large aire géographique où se sont constitués des regroupements en foyers amazighophones (rifain, chleuh, touareg, chaouia, kabyle, nefoussi, guanche…) entre lesquels les communications et échanges, au fil des siècles, ont été plus ou moins distendus. De ce fait, l’évolution linguistique et culturelle de chaque groupe s’est faite en fonction, particulièrement, du lieu d’implantation (désert, plaines, montagnes, mer…) et des bouleversements géologiques ou politiques vécus (désertification du sud, échanges plus ou moins développés avec d’autres nations, ou conquêtes subies pour des périodes plus ou moins longues et plus ou moins marquantes).

C’est ainsi que la langue amazighe a évolué différemment d’un milieu à l’autre. N’ayant jamais été vraiment la langue du pouvoir ou de la création de l’esprit, elle doit sa survivance essentiellement à la femme [End Page 228] amazighe. D’ailleurs, le matriarcat tout comme le tifinagh, système d’écriture...

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