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Reviewed by:
  • The Color of Modernity. São Paulo and the Making of Race and Nation in Brazil by Barbara Weinstein
  • Armelle Enders
Weinstein, Barbara – The Color of Modernity. São Paulo and the Making of Race and Nation in Brazil. Durham et Londres, Durham University Press, 2015, 458 p.

L’État de São Paulo, et sa capitale indissociable, est actuellement, et de loin, le plus riche et le plus peuplé des 26 États que compte la Fédération brésilienne. Il contribue pour 22 % de sa population et un tiers de son PIB. S’il était indépendant, São Paulo se classerait parmi les 5 premières économies d’Amérique latine. Du point de vue démographique, les Paulistas (44 millions en 2015) sont plus nombreux que les Argentins (43 millions) et un peu moins nombreux que les Colombiens (48 millions). Ces quelques chiffres signalent la puissance de São Paulo à l’échelle continentale et suggèrent aussi en creux l’importance des inégalités régionales au Brésil. Les manuels de géographie des années 1970 et 1980 faisaient leur miel de ces contrastes criants entre le Sud-Est, dont le dynamisme était tiré par São Paulo, et le Nord-Est (Nordeste en portugais), érigé en modèle de sous-développement. Plus récemment, lors de l’élection (2010) et de la réélection (2014) de Dilma Rousseff, candidate du Parti des travailleurs à la présidence de la République fédérative du Brésil, une même polémique a surgi dans les rangs de l’opposition dépitée, notamment par la bouche de l’ancien président, Fernando Henrique Cardoso, intellectuel et homme politique pauliste : la gauche ne devait sa victoire qu’aux régions et aux populations les plus déshéritées et les moins aptes à juger du bien commun, c’est-à-dire au Nordeste et à ses habitants, nombreux à avoir migré vers les mégapoles du Sudeste.

Ce sont aux origines de cette représentation de longue durée – le Nordeste comme image inversée de São Paulo (et réciproquement) – ainsi qu’à la relation très spécifique que São Paulo entretient avec le reste du Brésil et à la persistance d’une conception racialisée de la société brésilienne, entre les années 1920 et les années 1960, que s’attache l’ouvrage de Barbara Weinstein. Le livre entremêle deux thématiques principales. La première concerne la manière dont la construction d’une forte identité régionale et l’élaboration par les classes dirigeantes de São Paulo d’un projet national, valable pour le Brésil tout entier, se nourrissent l’une l’autre. La seconde aborde la construction parallèle de deux représentations, celle du modèle pauliste, dynamique, moderne et blanc, et celle de son double repoussoir, le Nordeste, arriéré, apathique, et racialement distinct (et inférieur). Barbara Weinstein a élu deux moments, qui font l’objet des deux parties de l’ouvrage, pour étudier ces questions : d’abord, la « révolution constitutionnaliste » de 1932, quand São Paulo prend les armes contre le gouvernement provisoire de Getúlio Vargas, instauré à la faveur de la « Révolution de 1930 », puis les festivités qui célèbrent le quatrième centenaire de la ville de São Paulo en 1954.

En guise de prologue, le premier chapitre, étayé sur l’historiographie existante, présente « l’exceptionnalisme » pauliste et l’élaboration d’un « roman régional » par les élites locales qui font figure d’ « émergentes » à la fin du régime impérial (1889). Jusqu’au boom du café, qui passe de Rio de Janeiro à São Paulo dans la seconde moitié du XIXe siècle, la ville de São Paulo n’est, en effet, qu’une bourgade isolée sur son haut plateau, à l’écart des débouchés maritimes et des [End Page 732] circuits d’exportation. La province de São Paulo, encore très partiellement colonisée et peu peuplée, offre des ressources agricoles assez limitées. Tout change grâce à la...

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