In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Fait et fiction : Pour une frontière by Françoise Lavocat
  • Ana Delia Rogobete (bio)
Françoise Lavocat. Fait et fiction : Pour une frontière. Paris. Seuil, 2016. 618pages.

Dans son récent livre, publié aux éditions du Seuil, dans la collection « Poétique », Françoise Lavocat revient sur la question de la fiction et sur la relation qu’entretient celle-ci avec la réalité et l’auteure plaide pour une frontière entre les deux. Le livre comprend trois parties qui examinent les acceptions différentes ainsi que les mutations que la notion de fiction a subies à travers les siècles dans des cultures différentes, qui vont du Japon et de la Chine aux États-Unis et à l’espace européen. Et la gamme des objets d’études est particulièrement ouverte, comprenant la littérature, le cinéma, le théâtre, les jeux vidéo, les mondes ludiques de synthèse. L’auteure fait appel à la narratologie, à l’anthropologie, mais aussi à la psychanalyse et aux sciences cognitives pour expliquer le fonctionnement des discours fictionnels, mais également les brouillages des limites entre fiction et fait.

Une des critiques principales est adressée aux théoriciens des années 1970, représentants de ce qui a été appelé aux États-Unis le linguistic turn, notion que l’auteure adopte à son tour pour analyser la conjonction de deux perspectives sur la fiction : l’historicité de la notion de fiction et la fictionnalité de l’histoire. Selon l’auteure, l’articulation de ces deux idées a été « l’opérateur principal de la mise en question intellectuelle de la frontière entre fait et fiction. » (524).

Dans la première partie, « Monismes contre dualismes », une attention détaillée est portée en particulier à Roland Barthes, Paul Ricoeur et Hayden White et à leurs approches apparentées du discours historique par rapport à la fiction. Pour montrer l’existence d’un dualisme entre le récit factuel et le récit fictionnel, Lavocat fait appel à des théories récentes relevant des sciences cognitives, qui indiquent qu’au niveau des affects, les deux sortes de récits produisent des émotions et des évaluations morales semblables. Pour autant, dit l’auteur, « Nul doute que les multiples tentatives d’hybridations entre fait et fiction, depuis des siècles, visent à associer des processus mentaux différents, qui fournissent peut-être des bénéfices combinés, notamment par la sollicitation de plusieurs types de mémoire. » (175)

La deuxième partie du livre, « Cultures et croyances », propose une approche diachronique de la notion de fiction et de ses bornes dans le monde occidental et oriental, se posant la question de ce qui fait que l’usage des fictions [End Page 1148] est très variable selon les temps et les contextes. Du Dit du Genji, conte japonais écrit vers l’an mille, aux jeux vidéo, et d’Aristote au Matrix, Lavocat analyse les relations de la fiction avec la religion, les mythes, la philosophie, mais également, et cela est particulièrement intéressant, avec la loi et les doctrines juridiques. Le virtuel, le réel et le fictif sont examinés dans leurs chevauchements dans les différents médias, qui vont du texte aux images. Dans ce parcours historique et théorique, la question du personnage revient en force, car celui-ci est « le meilleur révélateur de la versatilité de la théorie littéraire et de son incapacité à parvenir à des résultats stables et partagés. » (345) Cette question permet d’introduire un renouvellement des théories de l’identification et de l’empathie à travers ce que l’auteure appelle le récent « tournant cognitif » (368), important quand celui-ci « concerne la relation des lecteurs, spectateurs et joueurs aux personnages » (368). En s’appuyant ainsi sur des théories récentes issues de la psychologie et des neurosciences, Lavocat examine de manière nouvelle le rapport entre le lecteur/spectateur (devenu part active dans les jeux vidéo) et le personnage de fiction.

La troisième partie, « D’un monde l’autre », propose une perspective ontologique du monde fictionnel et de ses frontières. La thèse...

pdf

Share