In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Charivari et justice populaire au Québec by René Hardy
  • Jean-Philippe Garneau
René Hardy, Charivari et justice populaire au Québec, Québec: Septentrion, 2015

Vingt ans après une première contribution sur le sujet, René Hardy nous livre une vaste étude sur le charivari au Québec entre 1800 et 1950. L’auteur inscrit d’emblée ce rituel polymorphe, bien connu en Occident, dans la problématique plus large de la justice populaire. Interrogeant les origines, la spécificité ou le déclin du charivari dans la vallée du Saint-Laurent, l’analyse met l’accent sur la violence du rituel et sa répression par l’Église et l’État durant une bonne partie du 19e siècle. À bien y regarder, c’est surtout l’opposition entre culture populaire et culture des élites qui retient l’attention de l’historien. René Hardy explique la lente disparition du charivari par le processus de civilisation et le triomphe de l’individualisme, des traits culturels promus de multiples manières par les élites. L’âpreté, voire la brutalité du châtiment populaire laisse ainsi place, durant la première moitié du 20e siècle, à la seule version édulcorée et festive du charivari qui, à son tour, tombe en désuétude durant les années 1960. L’ouvrage, qui soulève également des interrogations fécondes sur la spatialisation du phénomène, propose donc une interprétation du phénomène sur la longue durée québécoise.

Dans ses deux premiers chapitres, le livre rappelle les principaux traits et fonctions du charivari en Europe, à la lumière surtout des travaux des années 1970 et 1980. L’apparition ou la diffusion du charivari en Amérique est évoquée au terme de cette synthèse, un peu comme l’avait fait Bryan D. Palmer dans cette revue, mais cette question ne fait pas vraiment partie de l’enquête. Malgré une discussion intéressante sur l’intrigante absence du phénomène chez les Acadiens avant le 20e siècle, le problème de la trajectoire du charivari en Nouvelle-France ou dans le Québec britannique du 18e siècle demeure donc presque entier. La singularité de l’expérience québécoise est par contre interrogée plus attentivement pour le 19e siècle aux chapitres 4 et 5 grâce à un ensemble de sources au premier rang desquelles figurent les archives judiciaires. C’est sans doute pour cette raison—le choix des sources judiciaires—que la violence du rituel, et dans une moindre mesure la diversité des types de charivari, ressort plus particulièrement de cet inventaire abondamment illustré de cas particuliers. Je me suis demandé si l’association entre le charivari et la justice populaire n’expliquait pas cette vision centrée sur la violence et la diversité des formes du rituel charivarique. L’auteur prend bien soin de distinguer le charivari des autres formes de justice populaire étudiées au chapitre 3. Mais force est de constater que la ligne semble parfois bien mince entre certains charivaris « cruels » et l’agression collective qui, malgré l’usage de masques ou l’appel exprès au terme « charivari », ne paraît plus guère appartenir au rituel. Il m’a semblé que la tradition carnavalesque—qui survit longtemps dans le charivari plaisant—est un peu négligée par l’analyse. La réflexion sur le rituel lui-même, au-delà de ses diverses formes, est somme toute peu développée au regard des travaux d’histoire culturelle sur le sujet.

Quoi qu’il en soit, l’historien affirme remettre ainsi en question la vision proposée par Allan Greer dans son étude sur les charivaris durant les Rébellions, particulièrement l’unité du rituel canadien et son caractère peu violent lors de l’épisode révolutionnaire. Le charivari n’a pourtant pas toujours pour fonction de restaurer la cohésion sociale de la communauté, précise R. Hardy, il est parfois destiné à exclure ou à stigmatiser les mauvais sujets, parfois de manière brutale. Plus qu’une proposition [End Page 328] contradictoire, le portrait...

pdf

Share