In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

  • Le Madawaska entre marche et région frontalière au 19e siècle ou les limites de la construction étatique américaine
  • Béatrice Craig

The border between British North America and the North-East of the United States, defined in 1842, cut in half a community established in the region for almost half a century. Frontiers established after population settlement usually impose on them artificial distinctions that do not respect the latter’s modes of interaction. Their hardening, part of a process of state building, upset existing social and economic relationships. Here, however, geography, commercial interests and real or feigned American disinterest delayed the taking of the border seriously, and this allowed the local inhabitants to preserve a transnational economy and society.

La frontière entre l’Amérique du Nord Britannique et le nord-est des États-Unis, finalisée en 1842, coupa en deux une communauté établie dans la région depuis près d’un demi-siècle. Les frontières établies après l’implantation des populations imposent généralement des distinctions artificielles qui ne respectent pas les modes d’interactions de ces dernières. Leur durcissement, relevant d’une logique de construction étatique, bouleverse les rapports sociaux et économiques préexistants. Mais ici, la géographie, les intérêts commerciaux, et le manque d’intérêt réel ou feint des autorités américaines retarda la prise au sérieux de la frontière, et ce désintérêt permit aux habitants de la région de préserver une économie et une société transfrontalière.

AVANT 1922, LES RÉSIDENTS DU COMTÉ DE MADAWASKA qui désiraient aller sur la rive droite du Saint-Jean pour rendre visite à des parents ou amis, ou faire des courses, empruntaient l’un des 20 traversiers qui s’égrenaient entre Saint-François et le Grand Sault. Comme le montre la carte postale ci-après (Figure 1), il n’y avait sur les rives aucune présence officielle – ni guérite de douaniers, ni agent d’immigration vérifiant les papiers. Les gens, les bêtes et les choses circulaient, en pratique, librement, et la frontière n’était guère plus qu’une ligne sur le papier.

Elle était pourtant vieille de 80 ans – et il avait fallu un demi-siècle pour en finaliser le tracé. Lorsque les États-Unis et la Grande-Bretagne négocièrent le traité de Paris de 1783, qui entérinait l’indépendance de 13 des colonies britanniques d’Amérique du Nord, ils délimitèrent la frontière du nord-est des États-Unis en référence à une carte inexacte de la région, la carte de Mitchell. Dès la fin du siècle, les deux parties étaient conscientes du problème et en désaccord quant au tracé de la frontière à adopter. Cela n’empêcha pas le territoire contesté, très vite connu sous le nom de territoire du Madawaska, d’être colonisé par des Acadiens, des Canadiens [End Page 5] (français), un petit groupe de gens de la Nouvelle-Angleterre et un saupoudrage d’Irlandais. Les Amérindiens, eux, avaient quitté la région pour Viger ou Tobique. Personne ne demanda l’avis de cette population pendant les négociations ayant mené au traité de 1842, qui réglait enfin le problème. La frontière nouvellement définie suivait le Saint-Jean entre Saint-François et la ligne de démarcation nord-sud établie près d’un demi-siècle plus tôt, et les résidents de la rive droite se réveillèrent un beau matin citoyens américains, sans trop savoir ce que cela impliquait. Ironiquement, une partie des Américains qui avaient défendu énergiquement les prétentions américaines se réveillèrent, eux, sujets britanniques1.


Click for larger view
View full resolution
Figure 1.

Traversier entre Saint-Basile (N.-B.) et Saint-David (Maine).

Source : Collection du Centre de documentation et d’études madawaskayennes (CDEM), PC3-125, www.umce.ca/biblio/cdem/photos/st-basile_003.jpg.

Les frontières établies après...

pdf

Share