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  • Le masque de l’écriture. Philosophie et traduction de la Renaissance aux Lumières ed. by Charles Le Blanc et Luisa Simonutti
  • Fabien Simon
Charles Le Blanc et Luisa Simonutti (dir.)
Le masque de l’écriture. Philosophie et traduction de la Renaissance aux Lumières
Genève, Droz, 2015, XIII-846 p.

La traduction anglaise du Prince de Nicolas Machiavel paraît en 1640. Le contexte de réception de l’œuvre fait évoluer le sens du texte et, en l’occurrence, « descendre dans l’arène politique contemporaine la pensée de Machiavel » (p. 328). Ainsi Edward Dacres, passeur et intermédiaire culturel actif, joue de sa traduction pour « corriger et [...] situer la pensée de Machiavel dans le contexte de la liberté du citoyen et [...] la placer en accord avec [...] le bon gouvernement selon les canons du républicanisme classique » (p. 335). Il recouvre le penseur italien, au moins partiellement, d’un masque anglais.

Cette analyse des « traductions anglaises de Machiavel » est une des propositions de Luisa Simonutti dans le cadre de cet ouvrage issu d’un colloque organisé en 2005 déjà. Le masque de l’écriture se concentre sur les rapports entre la pensée et ses expressions, entre l’intelligence et les différents masques derrière lesquels varient ses manifestations. La belle, bien que commune, métaphore du masque comme persona permet de mettre en avant la double dimension de la traduction : entre porte-voix offert à un auteur et incarnation de son texte sur une scène nouvelle. L’approche générale de la traduction proposée est donc celle d’une histoire de la « lecture intertextuelle » des ouvrages, de la manière dont transferre suppose de « transplanter le sens dans un terreau historique et spéculatif différent » [End Page 497] (p. IX-X). Le traducteur, selon Baruch Spinoza, à la fois lecteur, interprète et commentateur, s’empare du texte; « second auteur » (p. 18), il produit un « texte-lecture », véritable variation sur une « partition » (p. 10).

L’ouvrage, qui comprend pas moins de quarante-deux contributions, aurait sans doute gagné en force en réduisant un peu son champ, d’autant que celles-ci sont de qualité inégale. Les articles sont organisés en trois grandes parties thématiques – dans lesquelles certains aspects se recoupent finalement. La première regroupe les réflexions sur les traductions humanistes, de Martin Luther à Pierre-Daniel Huet, en passant par Michel de Montaigne. La deuxième se consacre à l’« art philosophique de la traduction », entre langue comme « outil philosophique » et « théorie du langage ». Les analyses portent sur Gottfried Wilhelm Leibniz, sur John Locke, ou sur René Descartes en particulier (cinq articles). Enfin, la troisième partie ne suit pas un fil conducteur strict et se conclut sur un chapitre « Vers la modernité », incarnée par le « paradigme de la traduction » de Wilhelm von Humboldt. Plusieurs thématiques d’ensemble se dégagent de la masse des contributions. Nous insisterons ici sur trois d’entre elles.

La première relève, assez classiquement en ce qui concerne la question de la traduction à l’époque moderne, de la translation des Écritures. Alors que Jean-Michel Vienne traite de la centralité de la Bible et de la pensée de Paul dans les réflexions de Locke, Isabella Ferron aborde la thématique bien connue de la « germanisation de la Bible » par Luther et de sa consécration du vernaculaire en tant que « nouvelle langue biblique » (p. 54). C’est à un autre réformateur que Max Engammare consacre ses réflexions : il décrypte la figure de Jean Calvin comme « homo trilingus » (p. 139) et, notamment, la réalité de sa maîtrise de l’hébreu. Comment Calvin avait-il appris l’hébreu ? De quels outils linguistiques disposaitil pour ses travaux sur le texte en langue originale ? Quel type d’hébreu maîtrisait-il réellement ? Autant de questions abordées en détail afin d’y apporter des réponses nouvelles. Ainsi, d’après l’auteur, l’hébreu rabbinique n’apparaît connu que « de seconde main » (p. 153), alors que Calvin est plus familier de l’h...

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