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Reviewed by:
  • Kriminelle – Freidenker – Alchemisten. Räume des Untergrunds in der Frühen Neuzeit ed. by Martin Mulsow
  • Claire Gantet
Martin Mulsow (dir.)
Kriminelle – Freidenker – Alchemisten. Räume des Untergrunds in der Frühen Neuzeit
Cologne, Böhlau, 2014, 670 p.

Ce volumineux recueil collectif émane de deux colloques tenus en 2009 dans le cadre d’une école doctorale dédiée à la clandestinité ou, plutôt, à l’underground. Il s’agit de dépasser les acquis des travaux sur la clandestinité littéraire et philosophique pour les intégrer dans une recherche plus ample sur les dimensions spatiales et sociales des diverses formes de recel de l’identité, d’opacité des intentions, de rapport au secret et à l’interdit de vastes pans de la société des XVIe-XVIIIe siècles, ce dont le terme d’underground (Untergrund) semble mieux rendre compte. Martin Mulsow entend ainsi rapprocher, croiser et par là faire fructifier avec un profit mutuel des historiographies très distinctes : littérature et philosophie clandestine, criminalité, dissidence religieuse, censure de l’imprimé, magie et alchimie, histoire politique, histoire de la diplomatie, sociétés secrètes, République des Lettres. Pour unifier son propos, il définit deux axes d’interrogation privilégiés, en se penchant sur l’underground dans ses relations physiques et sociales à l’espace et dans ses modalités spécifiques de socialisation.

Au regard des modes de communication urbains et auliques, l’historien Rudolf Schlögl avait qualifié l’époque moderne de « société de la présence » (Anwesenheitsgesellschaft) soudée par la présence physique des individus et la performance des pratiques (notamment rituelles), et soumise à un processus de complexification et de spécialisation au gré du recours croissant à l’imprimé et de l’institutionnalisation du politique 1. À rebours, M. Mulsow qualifie de « socialisation entre absents » les relations sociales issues de la clandestinité et produites par elle. Il propose un plan d’étude articulé en huit parties très inégales où dominent les dimensions religieuses, sociales et intellectuelles ou universitaires et à travers lequel il décline les historiographies qu’il s’agit d’interroger. L’underground, affirme Andrew McKenzie-McHarg dans sa postface, fut d’abord une représentation spatiale. Au départ, il renvoyait à un espace creux susceptible, après manipulation, de devenir un piège mortel, en provoquant l’écroulement, par sabotage, du fondement. C’est surtout à partir du XIXe siècle, au gré de la complexification des tissus urbains, qu’il aurait renvoyé à un lieu de refuge pour ceux qui étaient en butte aux autorités publiques. Dans l’analyse historienne, l’espace de la clandestinité à l’époque moderne est, comme on pouvait l’attendre, d’abord celui de la fuite ou de l’exil, des marges ou des périphéries, ainsi les jardins hors les villes. C’est aussi le voyage qui mène certains individus parfois dénués de réseaux, tels que Johann Benjamin Ehrard, à transiter entre plusieurs sphères de clandestinité politique (convictions démocratiques, préparation d’un coup d’État, espionnage au service de la France).

L’underground, toutefois, ne mettait pas seulement en œuvre une géographie erratique. Il pouvait avoir des points nodaux, comme les places de marché où se déroulaient des pratiques juives occultes, dans lesquelles des expériences chimiques étaient menées, des secrets et livres interdits échangés. Dans le cas de la secte des familistes étudié par Andreas Pietsch, l’officine était un autre « lieu » de mûrissement, de production et de distribution de textes clandestins. Les bibliothèques et les livres pouvaient assurer un rôle comparable. Michael Multhammer montre comment la bibliothèque de Wittenberg était, au milieu du XVIIIe siècle, organisée entre une salle de lecture ouverte au « public » d’une part, un scriptorium fermé, dans lequel livres orthodoxes et littérature clandestine coexistaient, d’autre [End Page 496] part, et comment Gotthold Lessing y eut accès, non par une voie illégale, mais avec l’aide d’un ancien camarade de classe.

La distribution de l’espace en lieux (semi-) ouverts ou fermés pose la question de l’entrée...

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