Le souverain, l’office et le codex. Gouvernement de la cour et techniques documentaires à travers les libri officiariorum des papes d’Avignon, XIVe-XVe siècle ed. by Armand Jamme (review)

Cet ouvrage collectif est le fruit de rencontres et d’échanges nourris entre trois spécialistes de la cour des papes d’Avignon – Armand Jamme, Étienne Anheim et Philippe Genequand – et un expert du Comtat Venaissin et de la Provence au Moyen Âge, Germain Butaud.

Si Armand Jamme en est le maître d’œuvre, et signe d’ailleurs la plus grande partie des études proposées, l’ouvrage présente une belle unité quant à la méthode employée par les auteurs pour parvenir à leur but : étudier les livres d’offices et d’officiers des papes d’Avignon du XIV^e siècle qui, contrairement à ceux des XV^e-XVI^e siècles, ne bénéficiaient pas encore d’études globales. Bien loin de vouloir se limiter à l’analyse du contenu des registres, ceux-ci sont envisagés de manière totale, de leur confection à leur utilisation. Est également mis en évidence leur rôle au sein des pratiques administratives et d’écriture qui se mirent en place au XIV^e siècle face à la nécessité de gouverner et de contrôler par l’écrit les serviteurs du pape : serviteurs dont le nombre augmenta de manière exponentielle à cette période au sein de la plus imposante structure palatiale d’Occident.

Ce volume propose l’étude et l’édition de tous les registres et cahiers depuis 1347, date du premier document, jusqu’à la fin de la période dite avignonnaise, soit 1418 : le livre d’Étienne Cambarou, camérier de Clément VI, celui d’Arnaud Aubert, camérier d’Urbain V, la copie du livre des officiers de Grégoire XI, la table des officiers de Clément VII, le livre des officiers de François de Conzié, camérier de Benoît XIII, complété par sept annexes : des listes de gages, des billets, des cédules, des nominations, des copies de notes, des fragments en tout genre concernant les pontificats d’Innocent VI, Urbain V, Grégoire XI, Clément VII, Benoît XIII et Nicolas V.

Comme l’a souligné A. Jamme, il est particulièrement rare de pouvoir appréhender une série documentaire depuis son origine et d’être en mesure d’évaluer et de saisir la manière dont elle se forma au fil du temps sous la plume des différents camériers. Il est en effet bien plus habituel d’être confronté à des séries lacunaires ou à des registres dont le modèle est déjà établi et pour lesquels, faute de disposer des livres initiaux, il est impossible de comprendre les multiples cheminements nécessaires à leur réalisation.

De manière efficace et avec pertinence, les auteurs mènent l’enquête sur le mécanisme de confection des livres au moyen d’études codicologiques, paléographiques et diplomatiques détaillées, de façon à saisir la genèse de leur rédaction et à tenter de comprendre comment les auteurs ont pensé, anticipé, tâtonné, afin de créer des outils capables de conserver la mémoire des décisions des papes ainsi que le mouvement de leur personnel – qu’il s’agisse de leur entrée en charge, de leur mutation, de la privation et de la résignation de l’office, ou du montant de leur salaire.

Un des grands atouts de cet ouvrage réside dans la volonté des auteurs de construire leur analyse sous les yeux du lecteur, d’expliquer quelle fut leur approche, les pistes suivies pour parvenir, par exemple, à définir qui furent les auteurs des livres d’officiers en mettant à profit, pour ce faire, leur excellente connaissance du personnel de la curie d’Avignon et de sa biographie. De même, grâce...