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  • Les colonies, la Révolution française, la loi par Frédéric Régent, Jean-François Niort et Pierre Serna
  • Damien Deschamps
Frédéric RÉGENT, Jean-François NIORT et Pierre SERNA. – Les colonies, la Révolution française, la loi, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, 297 pages. « Histoires »

À la lumière des travaux sans cesse plus nombreux consacrés aux mondes coloniaux, depuis leur constitution jusqu’aux effets sociaux et politiques que les rapports dont ils ont été le cadre continuent de produire après les décolonisations, il apparaît toujours plus clairement qu’ils ont été un laboratoire privilégié de la modernité politique, y compris quand elle a pris la forme de son refus. Les actes du colloque « Les colonies, la Révolution, la loi » l’illustrent une fois encore. S’attachant à analyser comment le droit révolutionnaire se déploie sur les scènes distinctes de la métropole et de ses colonies, les différentes contributions dégagent les modalités politiques, sociales et juridiques suivant lesquelles il se trouve investi d’interrogations spécifiques qu’il est contraint de prendre en charge selon une grammaire de l’universel. [End Page 154] Si la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en énonce les règles, le législateur ne peut prendre en charge les potentialités qu’elle contient qu’à l’épreuve des rapports sociaux établis dont il est amené à remodeler le contenu en même temps qu’il en redéfinit les principes.

Pour les révolutionnaires, dire le droit c’est dire l’homme, ce qu’il est et donc aussi ce qu’il n’est pas. Cela revient à définir le régime de possibilité de cette humanité dont ils promeuvent les droits et, ce faisant, à revisiter les catégories au travers desquelles l’Ancien Régime la pensaient et la distribuaient, soit qu’ils les jugent caduques, comme il en ira de la confession religieuse, soit qu’ils les reprennent à leur compte, mais en les reformulant selon les exigences inhérentes à un discours de l’universel – comme il en ira des femmes. Dans l’espace colonial, la même dynamique de l’universel leur impose de se confronter aux catégories d’humanité que l’esclavage a suscitées au gré des circonstances, sans que les acteurs dominants du système ne se soient préoccupés de lui donner un tour systématique, ainsi que s’y emploiera bientôt Moreau de Saint-Méry dans sa fameuse Description… de la partie française de l’isle de Saint-Domingue parue en 1797 et en 1798. Reste qu’en ce domaine les révolutionnaires ne font que prolonger, même s’ils lui donnent des développements inédits, un processus engagé dès la seconde moitié du XVIIIe siècle. C’est le premier enseignement que l’on peut tirer des contributions qui forment la première partie de l’ouvrage. Alors même que l’esclavage reste longtemps un angle mort de la pensée des Lumières (voir à ce sujet les remarques d’Olivier Grenouilleau dans sa contribution sur les rapports entre le mouvement abolitionniste et la Révolution, p. 251 et suivantes), elles mettent en évidence comment ces dernières initient deux régimes de modernité, antinomiques l’un de l’autre mais intimement liés. Aux Lumières émancipatrices s’oppose un autre régime de rationalité qui justifie l’asservissement des hommes par référence aux sciences du vivant. Typique de cette seconde démarche, l’administration de la Marine s’inquiète à plusieurs reprises de la présence d’esclaves ou d’hommes de couleur sur le territoire du royaume. Elle redoute de les y voir contracter un esprit de rébellion qui menacerait l’ordre colonial, mais tout autant de voir la nation française « défigurée » par un « déluge de nègres », pour reprendre les termes employés par un procureur de la Table de Marbre, une juridiction annexe du Parlement de Paris en charge de l’Amirauté (contribution de Pierre Boulle). Durant cette p...

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