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Reviewed by:
  • La Commune de Paris par ceux qui l’ont vécue par Laure Godineau
  • Quentin Deluermoz
Laure GODINEAU. – La Commune de Paris par ceux qui l’ont vécue, Paris, Parigramme, 2010, 263 pages.

L’un des paradoxes de la Commune de Paris est probablement la rencontre entre la brièveté d’un épisode très intense et la prolifération d’une vaste bibliographie. Aussi toute synthèse qui parvient à restituer la complexité de l’événement et à actualiser les connaissances est-elle la bienvenue. C’est le cas ici. L’ouvrage, rédigé dans une langue précise et fluide, suit un déroulement à la fois chronologique et thématique qui rend compte de la complexité de l’épisode. Les parties chronologiques encadrent le livre : la fin du Second Empire, le 18 mars 1871, les élections, le portrait dynamique des « hommes de la Commune », la Semaine sanglante, l’amnistie. Tous ces temps forts font l’objet de mises au point équilibrées, permettant de clarifier les lieux communs souvent attachés à l’événement. Les parties intermédiaires se penchent sur l’expérience communarde. Elles abordent le fonctionnement, ou plus exactement les fonctionnements de la Commune, saisis aux différents échelons d’interventions (de l’Hôtel de ville aux quartiers, en passant par les mairies d’arrondissement et la Garde nationale). Puis elles se penchent sur le vécu de l’événement par les Parisiens, que ce soit dans la rue, les clubs, au moment des célébrations ou des heures sombres, tout en restant attentive à la diversité des positions sociales et des situations de quartier. La plupart des renouvellements historiographiques récents sont intégrés à l’analyse, qu’il s’agisse de l’histoire des femmes, des communes de province, de la Garde nationale ou du domaine de l’art. Les problèmes classiques posés aux historiens par la Commune – gouvernement socialiste ou républicain, événement français ou parisien, fruit des contingences militaires ou prolongement des révolutions du siècle, épisode d’anarchie violente ou de fraternité appliquée – sont ainsi de nouveau abordés.

L’un des intérêts de l’ouvrage, à ce propos, est son effort de se départir des lectures tranchées pour restituer, dans la continuité des analyses de Jacques Rougerie, les logiques contradictoires de l’événement. Ainsi des projets de la Commune dans les domaines de la justice, de la laïcité, de l’enseignement ou du travail, qui sont partagés entre désir d’« ère nouvelle » et les difficultés de mise en œuvre, faute de [End Page 153] temps. Il en est de même pour le vécu des événements, qui prend mille formes, du désarroi à l’extase, que l’auteur propose de considérer « en même temps » pour mieux percevoir la diffraction des expériences et des ressentis (p. 112). Ces conclusions correspondent à un autre parti pris de l’ouvrage : répondre à ces questions, également, par un retour à la parole des acteurs, du moins de ceux qui en ont laissé trace. Ainsi l’ouvrage laisse-t-il une large place aux citations, que ce soient celles d’auteurs attendus pour cette période (Edmond de Goncourt, Pierre Lissagaray, Maxime Vuillaume, Maxime Du Camp, Jules Vallès), ou celles d’autres moins convoqués (Victorine Brocher, Catulle Mendès), sans oublier les extraits de journaux, décrets, ou pamphlets. Ce souci des voix s’accompagne d’une attention à la culture visuelle, dont témoigne la riche iconographie reproduite. Elle rappelle ainsi que la Commune fut aussi une révolution à l’ère de la photographie. Le lectorat pourra découvrir le visage des principaux acteurs (Jules Vallès, Jules Allix, Charles Delescluzes, etc.) ou les célèbres paysages des ruines de Paris. Mais il pourra aussi éprouver l’abondance des caricatures, affiches et gravures qui ont animé l’événement et qui sont tirées des fonds du musée Carnavalet, du musée d’histoire de Saint-Denis, ou de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

Ces dispositifs narratifs et graphiques visent ainsi, selon le sous-titre...

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