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  • Identité nationale et multiculturalisme: deux notions antagonistes? par Sabine Choquet
  • Cécile Deer
Identité nationale et multiculturalisme: deux notions antagonistes? Par Sabine Choquet. (Littérature, histoire, politique, 16.) Paris: Classiques Garnier, 2015. 455 pp.

La démarche de cet ouvrage se veut avant tout conceptuelle mais le propos s’appuie empiriquement sur une comparaison entre la France et le Québec. Le premier chapitre est une longue réflexion philosophique sur la notion d’identité en relation avec diversité et changement. Pensées antiques (Héraclite, Aristote), modernes (Descartes, Leibniz, Locke, Rousseau, Kant, Herder, Hegel), ainsi que quelques voix de la postmodernité (Charles Taylor, Paul Ricœur) sont brièvement convoquées pour interroger par analogie les notions d’identité personnelle et d’identité nationale. Ceci aboutit à la question du multiculturalisme, ses diverses manifestations et interprétations. La comparaison France–Québec devient alors pivot, avec passage obligé par l’histoire sociale et ses canons intellectuels dans le cas de la France (Braudel, Tocqueville, Febvre, Taine, Stendhal, Lévi-Strauss) pour illustrer la diversité identitaire sous l’Ancien Régime et le volontarisme politique de l’unification post-révolutionnaire. La situation québécoise est appréhendée via l’évolution des relations entre Amérindiens, Canadiens français et Canadiens anglais, avec une réflexion sur l’immigration plus récente montrant comment l’intégration politique fédérale s’est accompagnée d’une gestion des différences culturelles. Sabine Choquet axe ensuite sa réflexion philosophique sur la lutte pour la reconnaissance politique du fait multiculturel (individus et communautés) au-delà d’une conception universaliste. L’approche libérale de Rawls et la critique postcoloniale de Saïd sont notées, mais c’est le contrat social de Rousseau et l’interdépendance identitaire du maître et de l’esclave dans la dialectique hégélienne qui sont retenus pour théoriser les formes de reconnaissance réciproque entre nation et citoyens, entre égalité législative formelle et prise en compte des multiplicités référentielles. L’évolution de la situation au Québec dans le contexte fédéral canadien depuis les années 1970 (Trudeau père) jusqu’à nos jours sert à illustrer longuement le second cas de figure. L’auteur met ensuite en parallèle les principes constitutifs des identités nationales française—depuis 1789—et québécoise, avec la Révolution tranquille des années 1960. Le traitement de la Révolution française reste conventionnel: entre Marx et Althusser, Tocqueville et Furet, en passant par Sieyès et l’abbé Grégoire, les droits de l’Homme et du Citoyen et l’unification des poids et mesures, ‘c’est par l’imposition de mesures politiques qu’une identification commune à l’échelle de la nation française a pu surgir’ (p. 286). L’unicité de la République et l’universalisme de ses principes garantissent les libertés individuelles et fondent le sentiment d’appartenance. Pour le Canada français, les années 1960 marquent le passage d’une conception culturelle de l’appartenance communautaire (langue, religion) à une identité nationale basée sur l’interculturalité définie par des pratiques politiques et citoyennes territorialisées et autonomes au sein de la fédération canadienne (le Québec). L’auteur souligne comment les questions de laïcité et d’immigration viennent tester les principes et les formes de ces constructions identitaires. À l’heure oùl’identité nationale revient en force dans les discours politiques, ce livre développe une [End Page 634] approche réflexive utile de la question. Une écriture plus synthétique aurait permis d’éviter la répétition de certains thèmes et de saisir plus facilement l’argument.

Cécile Deer
Balliol College, Oxford
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