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  • ‘Le Grand Vocabulaire françois’ (1767–1774) de Charles-Joseph Panckoucke par Christophe Rey
  • Gilles Siouffi
‘Le Grand Vocabulaire françois’ (1767–1774) de Charles-Joseph Panckoucke. Par Christophe Rey. (Lexica: mots et dictionnaires, 27.) Paris: Honoré Champion, 2014. 351 pp.

Le Grand Vocabulaire françois est la première des grandes entreprises éditoriales de l’éditeur et entrepreneur Charles-Joseph Panckoucke, qui devait plus tard racheter les droits de l’Encyclopédie et publier ensuite, à partir de 1782, l’Encyclopédie méthodique. Il s’agit d’un vaste ensemble de trente volumes in-4o difficile à trouver complet aujourd’hui, mais dont Slatkine a donné un reprint en 2005 et qui a été rédigé, comme c’était la pratiqueàl’époque, par une équipe de rédacteurs qu’il n’est pas facile d’identifier (seuls trois le sont, dont Jean-Nicolas Guyot et le moraliste Chamfort). Panckoucke, d’ailleurs, fut accusé de plagiat, tant l’ouvrage publié paraît puiser dans les ouvrages déjà existants—mais l’on sait que cette pratique de reprendre des contenus en les développant était monnaie courante dans les dictionnaires comme dans les grammaires à l’époque. Entre les dictionnaires de l’Académie, dont le Grand Vocabulaire françois reprend la pratique de ne pas citer les sources d’exemples, et l’Encyclopédie, de fait, la marge de manœuvre était mince quant à la démarche. Panckoucke s’est appuyé, dans son projet, sur une assise purement lexicale, en renonçant à l’ambition encyclopédique, quoiqu’il ait ajouté des noms propres, mais il a essayé de nourrir sa description des mots de considérations qui nous paraissent aujourd’hui ‘linguistiques’, au-delà des commentaires sur l’usage. C’est essentiellement ce qui motive l’intérêt qu’on peut prendre à l’ouvrage aujourd’hui, outre la dimension d’histoire du livre, déjà abordée dans les sommes de Robert Darnton (The Business of Enlightenment: A Publishing History of the ‘Encyclopédie’ (Cambridge, MA: Belknap Press, 1979)) et Jean-Yves Mollier (L’Argent et les lettres: histoire du capitalisme d’édition, 1880–1920 (Paris: Fayard, 1988)). La monographie rédigée par Christophe Rey s’organise assez classiquement en une présentation de Panckoucke, entrepreneur éditorial ambitieux et pragmatique (chapitre 1), un éclairage sur le contexte lexicographique de l’époque (chapitre 2), une description du projet éditorial (chapitre 3), et une analyse de la spécificité scientifique de l’ouvrage (chapitre 4). De ce dernier point de vue, l’auteur relève, outre une description grammaticale assez fine, notamment des catégories de l’adjectif et du verbe, ce qui apparente l’ensemble à un [End Page 632] ‘dictionnaire grammatical’, la grande quantité d’informations d’ordre phonétique et particulièrement prosodique—le principal apport de l’ouvrage. Il note enfin que le travail des rédacteurs s’inscrit visiblement dans la lignée de la pratique récente (initiée par Gabriel Girard, et approfondie notamment par Nicolas Beauzée), des répertoires de synonymes, sans que le travail soit pour autant poussé très loin. De fait, l’entreprise générale ne se caractérise pas par son audace, mais elle est un bon témoin de la manière dont on se représentait les mots, les vocabulaires et la langue à l’époque. La monographie de Rey mène des comparaisons scrupuleuses avec les autres entreprises lexicographiques de l’époque, même si ses hypothèses, ses recherches et ses analyses peuvent paraître parfois un peu timides.

Gilles Siouffi
Université Paris-Sorbonne
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