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  • Patrimoine, culture et récit. L’Île d’Orléans et la place Royale de Québec by Étienne Berthold
  • Hans-Jürgen Greif
Étienne Berthold, Patrimoine, culture et récit. L’Île d’Orléans et la place Royale de Québec, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. Monde culturel, 2012, xii- 221 p. 34,05$

Qui dit patrimoine, dit construction patrimoniale, mais surtout « patrimonialisation », un concept impliquant un travail de symbolisation et faisant appel « à un sens déjà impliqué dans ses objets » (Berthold). Le cadre théorique est élaboré à partir du structuralisme des années 1960 et 1970 (Barthes, Lévi-Strauss, Foucault), complété par d’autres disciplines : l’anthropologie, l’ethnologie, l’histoire, l’histoire de l’art, l’herméneutique (Paul Ricœur), la sociologie (Fernand Dumont) ou encore l’histoire de l’architecture. Dans leurs travaux, des chercheurs comme Lucie K. Morisset et Luc Noppen (UQÀM) procèdent, pour l’essentiel, de la manière employée par Berthold, en utilisant deux approches analytiques : sémiogénétique et morphogénétique, dégageant le sens et la forme de l’objet d’études. Pour ce qui est de la déconstruction du patrimoine qu’est l’île d’Orléans, Berthold s’appuie avant tout sur L’anthroplogie en l’absence de l’homme (1981) de Dumont qui relève trois types d’anthropologie : celle de l’opération (la science isole un phénomène en production), celle de l’action (le pouvoir ayant recours à l’idéologie), et celle de l’interprétation (dans un domaine de recherche choisi selon l’objet). Mais avant cette dernière phase, il faut « chercher à repérer et à débusquer les processus par lesquels l’objet, l’ensemble ou l’héritage immatériel s’érigent en patrimoine culturel ».

La première partie de l’ouvrage est consacrée à la construction de l’île d’Orléans comme patrimoine, très tôt appelée le « premier berceau de l’Amérique française », grâce aux efforts du notaire Noel (Hill Fox Maule) Bowen qui fait installer à ses frais un quai de débarquement à Sainte-Pétronille vers 1855, dans le but de faire connaître l’île aux vacanciers. L’île devient rapidement célèbre, comme en fait foi la création de la revue Les soirées canadiennes (1861–1865), à laquelle se joignent des hommes comme F.-X. Garneau, H.-R. Casgrain, Ph. A. de Gaspé, J.-C. Taché, A. Gérin-Lajoie, O. Crémazie. La revue réserve une large part à la tradition orale, aux contes, aux légendes, aux chansons. En 1861, le docteur Hubert Larue, lui-même originaire de l’île, publie son Voyage autour de l’Île d’Orléans suivi, trois ans plus tard, de L’Île d’Orléans de l’abbé Louis-Édmond Bois. Pour ce dernier titre, il s’agit d’une monographie, en vogue à l’époque (et dont Jacques Ferron était friand, soit dit en passant, tout comme Victor-Lévy Beaulieu à qui notre premier écrivain national a fait cadeau de sa collection). Suivant en cela ses collègues ailleurs dans la province, Bois tente de reconstruire l’histoire paroissiale au fil des générations, en insistant sur la tradition familiale. Dans la même veine, Louis-Philippe Turcotte fait paraître, un an plus tard, son Histoire de l’Île d’Orléans. Si Bowen voulait mettre en valeur le côté pittoresque de l’île, [End Page 173] Larue espérait avoir trouvé un lieu isolé hors des circuits touristiques (surtout américains), où le voyageur, fatigué du progrès, pouvait se « déciviliser ». Mais c’est principalement Turcotte qui a cherché une preuve de l’origine canadienne-française, un patrimoine passé de père en fils.

La Commission des monuments historiques (CMH), constituée à la suite de la Loi relative à la conservation des monuments et des objets d’art ayant un intérêt historique ou artistique (1922), décide à son tour de consacrer un ouvrage à l’île, qui paraît en 1928, rapidement suivi de la traduction anglaise. De...

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