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Reviewed by:
  • Une certaine Amérique à lire. La beat generation et la littérature québécoise by Jean-Sébastien Ménard
  • Daniel Laforest
Jean-Sébastien Ménard, Une certaine Amérique à lire. La beat generation et la littérature québécoise, Montréal, Nota bene, coll. Terre américaine, 2014, 311 p.

L’ouvrage de Jean-Sébastien Ménard entend examiner l’influence des écrivains américains du mouvement qu’on appela beat dans les années 1950–1960 sur le développement de la littérature québécoise. Par développement il faut entendre ici son inclusion dans une tradition littéraire à dimension continentale que Ménard associe à la notion d’américanité. Hormis des affinités clamées haut et fort par quelques figures centrales dans le jeune Québec littéraire de la Révolution tranquille (Victor-Lévy Beaulieu, Jean-Noël Pontbriand et Gilles Archambault surtout), en dépit du relais de cet intérêt par quelques professeurs et chercheurs universitaires bien en vue dans les décennies qui suivirent, une étude comme celle de Ménard n’avait jamais été tentée auparavant. C’est un livre qui, dans son projet déjà, ne peut être que bienvenu. Et disons-le tout de suite : son objectif est atteint avec passablement de brio. Il l’est toutefois par des détours qui sembleront étranges au lecteur. On dit parfois d’un livre qu’il en contient deux, comme si deux passions de son auteur avaient cherché à s’y fondre sous la forme d’un projet dont la nature est moins la synthèse que le compromis. C’est le cas ici. Ce sont non pas une mais deux Amériques qui sont données à lire dans cet ouvrage. La première [End Page 149] est liée à l’histoire littéraire, la seconde aux débats sur le concept d’américanité en sciences humaines.

Ménard est de toute évidence un spécialiste des écrivains beats. Il connaît sur le bout de ses doigts les carrières des plus connus : Jack Kerouac, Allen Ginsberg, William Burroughs Sr., Paul Bowles, Lawrence Ferlinghetti, en plus des Neal Cassady, Lucien Carr, Peter Orlovsky et autres figures périphériques au mouvement qui sans produire d’œuvre digne de ce nom influencèrent de par leur simple marginalité sociale les livres de leurs compères plus connus. C’est l’aura globale de cet aréopage de semi-voyous, d’esthètes et de poètes de l’après-guerre qui aurait été récupérée une quinzaine d’années plus tard au Québec à travers les personnages et les œuvres de Raôul Duguay, Claude Péloquin, Jean-Paul Daoust, Lucien Francœur, etc. En un mot ceux qui firent la « contre-culture » dans son incarnation québécoise auraient été imprégnés de l’influence beat au point de la retraduire, voire de la réinventer dans une version québécoise dont l’importance, à son tour, aurait été d’ouvrir quantité de voies de traverse vers une culture littéraire québécoise et continentale. Ménard est clair sur ce point : « [À] leur manière, Kerouac et la beat generation vont participer à l’enracinement de l’américanité de la littérature québécoise. » Mais voilà l’affaire : Ménard conçoit bien aussi qu’une méconnaissance de l’histoire permettant de parler justement d’une « génération beat » ne peut mener qu’à une incompréhension de la parenté culturelle à mettre en lumière. « Il faut, pour lire ce corpus québécois contemporain, une connaissance sans faille de celui de la beat generation et des travaux sur le mouvement et ses écrivains. » D’où la dualité d’Une certaine Amérique à lire : d’un côté se trouve une biographie du groupe beat à partir de la figure de Jack Kerouac et de ses racines canadiennes-françaises, de l’autre, on suit la tentative de traduire cette histoire au Québec à travers la notion par beaucoup contestée -Ménard en est conscient - d’américanité. Ces deux voies...

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