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Reviewed by:
  • Portrait d’une pratique vive. La nouvelle au Québec (1995–2010) ed. by René Audet and Philippe Mottet
  • Nicolas Tremblay
Portrait d’une pratique vive. La nouvelle au Québec (1995–2010), s. la dir. de René Audet et Philippe Mottet, Québec, Nota bene, coll. Contemporanéités, 2013, 436 p.

Dans les années 1980, après une époque de forte affirmation culturelle et nationale, la littérature québécoise a connu un nouveau regain. Sur le plan éditorial, elle s’est diversifiée et spécialisée. La nouvelle québécoise a profité de ce dynamisme institutionnel et, de genre mineur à quoi on la confinait, elle a acquis une légitimité certaine. Pour les historiens, la décennie 1985–1995 constitue même un « âge d’or », attribuable à la fondation de revues spécialisées, telles XYZ et Stop, et à des maisons d’édition comme L’instant même, ainsi qu’à la création de prix et de concours. Après des auteurs et pionniers majeurs comme Yves Thériault et Jacques Ferron, pour qui préexistait encore un flottement générique—ces derniers écrivaient plutôt des contes—, la nouvelle est alors devenue une forme littéraire en soi, pleine, ayant ses propres critères. Des nouvellistes ou nouvelliers tels que Bertrand Bergeron et Gilles Pellerin, inspirés par les Argentins Borges et Cortázar, ont contribué à en révolutionner la pratique. Nous pourrions citer moult autres noms d’écrivains ayant fait de la prose narrative brève leur mode d’expression fictionnelle privilégié dans une perspective tout aussi « militante ». En parallèle à cette explosion—le nombre de recueils publiés a grimpé en flèche—, le discours critique sur le genre a emboîté le pas. Dans ces fastes années, des chercheurs (André Carpentier, René Audet, Michel Lord, François Gallays, Robert Vigneault…) ont publié des essais ou des collectifs qui ont marqué et orienté la réception. Ces théoriciens ont accompagné, d’une certaine manière, l’aventure du genre vers son autonomie et ont peut-être même influencé ses mutations (l’étude de cette interpénétration reste à écrire).

Mais qu’en est-il de la nouvelle québécoise au tournant du XXIe siècle ? C’est à cette question que répond le volumineux collectif Portrait d’une pratique vive, sous la direction de René Audet et Philippe Mottet, tout en voulant offrir un prolongement au discours savant antérieur qui, les années passant, a fini par s’imposer à la façon d’une doxa. Car si la décennie 1985–1995 a semblé préconiser une nouvelle courte, trouée, fragmentée, elliptique, tout en ayant conscience que le livre qui la rassemble, le recueil, offrait des jeux de lecture par des effets d’ensemble (reprises, réseaux, variations), dans les quinze années qui ont suivi le genre est devenu moins expérimental et hermétique, plus accessible et réaliste (pensons à l’autofiction). En ce sens, l’esprit de la nouvelle québécoise très contemporaine est diffus et décentré, et ainsi, plus difficile à saisir. Aujourd’hui, les recueils sont publiés ici et là (Boréal, Triptyque, Quartanier, Marchand de feuilles, Lévesque éditeur…), au hasard des manuscrits, au sein d’une production globale et éclatée où le roman dicte encore souvent [End Page 123] les règles et les mouvances. Les éditeurs qui en faisaient autrefois leur genre de prédilection défendaient ou proposaient une esthétique et un métadiscours. Désormais, l’absence d’un champ fort et avant-gardiste très affirmé complique donc la tâche des critiques et des historiens de la littérature. Pourtant, comme l’écrivent Audet et Mottet, la pratique du genre est encore « vive », il n’y a pas d’essoufflement chez les écrivains, sauf que la nouvelle étant maintenant bien implantée, elle n’a plus besoin d’être défendue et se conforme globalement à la « monotonie de la production » (j’emprunte l’expression à Catherine Mavrikakis dans « Le dogme de l’Immaculée Création », Contre-jour, n° 8, hiver 2005...

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