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  • Au-delà de la fin. Mémoire et survie du politique. Sociocritique de la fiction d’anticipation contemporaine by Christian Guay-Poliquin
  • Patrick Bergeron
Christian Guay-Poliquin, Au-delà de la fin. Mémoire et survie du politique. Sociocritique de la fiction d’anticipation contemporaine, Montréal, Presses de l’Université du Québec, coll. Mnémosyne, 2014, 168 p., 20,00$

Cet essai, d’abord présenté comme mémoire de maîtrise à l’UQÀM en 2013, est le deuxième ouvrage que publie Christian Guay-Poliquin. Le premier, Le fil des kilomètres (La Peuplade, 2013 ; Phébus, 2015), est un roman qui rappelle Volkswagen blues de Jacques Poulin et raconte la traversée du continent par un homme voulant revoir son père tombé malade.

La fiction d’anticipation contemporaine analysée ici tient en trois titres : Dondog (2002) d’Antoine Volodine, Et je dirai au monde toute la haine qu’il m’inspire de Marc Villemain (2006) et Warax de Pavel Hak (2009). Ces œuvres ont paru significatives à l’auteur en raison, notamment, de leur représentation d’un système politique totalitaire. Elles permettent à Guay-Poliquin de proposer une nouvelle catégorie générique, « la fiction politique d’anticipation ». Il s’agit en somme d’un autre nom pour approcher un corpus parfois appelé « dystopie », « fiction post-apocalyptique » ou, moins spécifiquement, « fiction spéculative ». L’exercice aurait pu mener à la simple apposition d’une nouvelle étiquette. Ce n’est pas ce qui se produit ici : Guay-Poliquin apporte de précieuses nuances de sens [End Page 117] susceptibles d’éclairer un contexte plus vaste que son corpus primaire. Au sein de la littérature populaire ou de genre aussi bien qu’à l’intérieur de la littérature générale, la fiction politique d’anticipation est en effet très présente aujourd’hui. Il y avait un pertinent parallèle à développer avec la production contemporaine (Rufin, Houellebecq, Atwood, parmi d’autres) ou même avec d’autres supports que le médium littéraire. Guay-Poliquin n’a toutefois pas cru bon d’exploiter ce filon.

En introduction, l’auteur examine « le poids du présent » et constate que les dernières décennies du XXe siècle correspondent à une « ère des fins » au cours de laquelle a éclaté une crise du régime moderne d’historicité. Prenant appui sur le concept de « présentisme » développé par François Hartog, Guay-Poliquin soutient que notre rapport à l’histoire s’exprime désormais dans le cadre d’un « présent hypertrophié » qui rend anémique l’histoire où celui-ci tente de s’insérer et désarticule les notions de passé et d’héritage. Une doxa de la « fin de la littérature » a fait son apparition au même moment, mais elle dénote moins une dislocation définitive qu’une série de mutations et de transformations. Dans ce contexte, les œuvres de Volodine, Villemain et Hak ont retenu l’attention de Guay-Poliquin par leur façon de mettre en relief la survivance de la conscience historique et de certains idéaux modernes malgré la défaite d’un projet qui visait l’émancipation de l’individu dans une société égalitaire.

Le premier chapitre, consacré à la notion des « héritages », propose quelques balises pour approcher la fiction politique d’anticipation. Tributaire de l’utopie (« expression d’un monde idéal abouti ») et de la dystopie (perversion de l’idéal utopique et inversion de ses axiomes fondamentaux, le rêve devenant cauchemar et ainsi de suite), la fiction politique d’anticipation met en scène des communautés évoluant en marge de régimes totalitaires et en quête de valeurs émancipatrices et d’espérances du passé dans un contexte où elles n’ont plus cours. Pour le bénéfice du lecteur non familier avec son corpus, Guay-Poliquin prend le temps de présenter chacune des trois œuvres de son corpus.

Les chapitres suivants portent respectivement sur les questions des « historicités » et des « politiques ». Dans le premier cas (chap. 2), Guay-Poliquin s’intéresse aux...

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