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  • La lettre et la mère. Roman familial et écriture de la passion chez Suzanne Necker et Germaine de Staël by Catherine Dubeau
  • Servanne Woodward
Catherine Dubeau, La lettre et la mère. Roman familial et écriture de la passion chez Suzanne Necker et Germaine de Staël, Québec, Les Presses de l’Université Laval, coll. La République des Lettres, 2013, xvi- 453 p., 49,00$

En compagnie de Madelyn Gutwirth, Simone Balayé, Sonja Boon et Danielle Johnson-Cousin, Catherine Dubeau se penche sur l’écriture staëlienne, et sur un aspect souvent ignoré de son engagement avec les écrits de Suzanne Necker. Plus encore que le dialogue saisissable entre mère et fille, Dubeau s’interroge sur les motifs d’écriture de Suzanne Necker et de sa fille, motifs qu’elle passe au crible d’une lecture freudienne d’une part, et sociologique d’autre part. Pour ce faire, Dubeau puise dans les romans et les documents parfois inédits. L’étude se termine sur le théâtre de Germaine de Staël, pour sa compatibilité formelle avec la condensation symbolique de l’inconscient, et dans le but de vérifier ce que l’analyse psychologique romanesque aurait pu révéler dans les chapitres précédents. Car Dubeau nous propose de suivre au cours de deux générations d’auteures de la mère à la fille, la trace du « roman familial » psychologique évoluant de Suzanne Necker à Germaine de Staël.

L’attention que Dubeau prête à Suzanne Necker est captivante en soi, du fait que cette auteure a légué à son époux la totalité de ses manuscrits (ceux qu’elle n’avait pas brûlés) avec le vœux qu’il sélectionne ce qu’il choisirait éventuellement de publier pour elle. La publication posthume reste entièrement au jugement de l’époux qui semble avoir d’abord taillé dans le texte pour produire des pensées détachées avant de s’en remettre au mouvement de composition de sa défunte épouse. Alors que la critique s’accorde sur le soutien indéfectible et maternant de Necker pour sa fille, le premier ouvrage de son épouse qu’il ait choisi de publier concerne un plaidoyer contre le divorce, ce qui contrarie Germaine de Staël, qui écrit à propos des passions à la suite de son adultère très public avec un homme marié, et à cause duquel elle semblait avoir réévalué son propre mariage. Les ouvrages de Suzanne Necker sont d’abord examinés sous l’angle d’une femme qui écrit dans la tradition de l’introspection ou en « spectateur intérieur » d’inspiration anglaise. Il est symptomatique que cette écriture à caractère privé en arrive à fournir la matière d’un journal volumineux. L’abondance d’écriture correspond ici à l’interdiction qu’elle s’impose et qui consiste à ne pas se livrer plus pleinement à son talent d’écrivaine et de n’avoir pour auditoire avoué qu’elle-même. Dubeau s’intéresse ensuite à la tension que procure la culture de salon parisien et la culture suisse de Suzanne Necker comme nouvelle immigrante, et la façon dont elle s’inscrit dans la société en secondant la carrière de son mari, par exemple en tenant un salon. Dubeau la perçoit anti-épicurienne dans une société qui prône la légèreté. On devine que dans son effort de restituer de façon analytique le bon ton de la société parisienne, elle l’a caricaturée, et les compagnons du moment ont perçu [End Page 102] et peu apprécié leur portrait-charge. Enfin Dubeau examine la conception du mariage de Suzanne Necker, plus amante que mère, et qui trouve bientôt la maternité ingrate. Dubeau note de façon convaincante que la première rupture avec sa fille concerne l’allaitement qu’elle ne peut plus soutenir—un détail qui se retrouvera dans les romans de sa fille. De son côté, Mme de Staël semble reporter son amour vers son père et ensuite vers ses amants, par défaut, parce qu’elle « ne cessera...

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