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Reviewed by:
  • Matière noire. Les constellations de la bibliothèque by Guylaine Massoutre
  • Jean-Pierre Thomas
Guylaine Massoutre, Matière noire. Les constellations de la bibliothèque, Montréal, Nota bene, coll. Nouveaux Essais Spirale, 2013, 302 p., 22,95$

Collaboratrice au journal Le Devoir, où elle signe régulièrement articles et critiques, et enseignante au Cégep du Vieux-Montréal, Guylaine Massoutre n’est pas étrangère à la veine essayistique, et c’est précisément la voie qu’elle a choisi d’explorer dans son ouvrage intitulé Matière noire. La matière dont il est question ici, ce « trop-plein de vide » qui, impalpable, demande à obscurcir la page, est celle que manipulent écrivain et écrivant afin de produire, de découverte en argument, un réseau de circonvolutions rendant compte d’idées inédites et d’exercices ludiques. Guylaine Massoutre fait aussi place dans son livre à la matière blanche, véritable réenchantement du réel à partir de la fiction parfois la plus saugrenue. Surtout, c’est une matière grise, composée d’un magma de réflexions [End Page 89] truffées de dialogues entretenus avec les penseurs appartenant au lointain ou proche passé—sillon menant vers le savoir—, que nous rencontrons. Le sous-titre de l’essai s’avère dans cette optique révélateur : les constellations de la bibliothèque sont ce tissu de citations qui alimente nos rêveries quotidiennes de même que nos espoirs, et qui donne corps en partie à notre imaginaire. Massoutre s’est efforcée, en puisant au registre de la pensée immémoriale, de ne pas enlever à celle-ci son versant créateur, malgré sa fixité livresque. Ainsi les processus d’écriture et de lecture sont-ils conviés à révéler quelques-uns de leurs secrets, mais aussi et surtout à sécréter de nouvelles réflexions. Il ne s’agit certes en rien d’un ouvrage théorique, cependant que l’essayiste n’hésite pas à recourir çà et là au structuralisme ou à la psychanalyse, selon son humeur, ce qui nantit son texte d’une tonalité technique non désagréable.

Comme il est en général de mise dans un ouvrage épousant la forme essayistique, la pensée se déploie dans Matière noire selon des impulsions spontanées. L’auteure ne s’en est pas moins efforcée de conférer une structure d’ensemble à son œuvre, segmentant celle-ci en trois parties bien délimitées qui lui servent à explorer des aspects spécifiques du plaisir livresque. La première phase porte sur l’acte d’écrire et ses implications, histoire d’introduire le sujet dans toutes ses ramifications. Quel rôle la bibliothèque joue-t-elle dans l’écriture ? Puisant dans un vaste inventaire de savoirs (littérature, peinture, musique, cinéma, danse…), Guylaine Massoutre montre tout en les pratiquant dans son écriture quels rudiments permettent de colorer tout de noir la page. Réfléchir sur la distribution des titres de la Pléiade ou s’interroger sur les fonctions de la fiction dans l’apprentissage de l’enfant lui donnent les clés d’une lecture efficace, celle qui consiste à « ne pas continuer de lire comme si c’était une activité futile et dispersée », et, du coup, mettant de l’ordre dans ses lectures, Massoutre devient personnage de son « récit », évoluant au milieu d’idées qui s’entrechoquent. La substance est ici hybride, le récit servant à raviver quantité de souvenirs qui offriront un tour personnel à l’ouvrage et favoriseront un lien de connivence entre l’essayiste et son lectorat. Et à mesure que la pensée se forme, le noir prend sa consistance : c’est d’abord simplement l’encre sur la page, tache qui retranscrit la pensée, puis cette noirceur prend les atours de l’ailleurs où conduit le livre, région souvent inexplorée, mystérieuse, où l’écrivant se découvre sous un jour inattendu. Ainsi la lecture se fait-elle plaisir insatiable : « Lire, c’est aimer inlassablement le passage d’un espace à un autre, l’apparition et la feinte, ce mouvement r...

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