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  • Théâtre
  • Mariel O’Neill-Karch

Tant au Canada qu’en France, le théâtre contemporain est marqué par ce que la revue Incertains regards 3 : Cahiers dramaturgiques (hiver 2014) nomme « le verbalisme : langage théâtral et déconstruction ». Certains dramaturges surtout, comme Dany Boudreault, Carole Fréchette, Wajdi [End Page 71] Mouawad et Jennifer Tremblay, se mesurent à la démesure en poussant, grâce à l’invention verbale, vers les limites du monde. D’autres, moins au courant peut-être, s’en tiennent à la fruste langue de tous les jours.

la bagnole

Le « récit dramatique » de Jennifer Tremblay, La délivrance, tourne autour du triste fait que « l’enfant mort ou disparu ou parti est celui qui se tient au centre de la famille ». Ce troisième tome de la trilogie de Mères explore de grands thèmes : la solitude, la famille, la religion, la perte, l’identité, le mensonge, la résilience et la mort. La « délivrance » du titre est expliquée dans une brève préface : « La délivrance chrétienne, c’est le pardon des péchés. Mais la délivrance, cela peut aussi vouloir dire sortir de l’ignorance, ou encore échapper à la captivité et à la soumission. La dernière étape de l’accouchement, le moment où la mère expulse le placenta, est aussi appelée délivrance. » Une mère, mourante, insiste pour que sa fille mène à son chevet son fils avec qui elle n’a pas eu de contact depuis vingt ans. Celui-ci a été enlevé par son père qui l’a convaincu que c’est sa mère qui l’a abandonné. Petit à petit, le récit révèle la complexité des relations dans des familles disloquées, figurées sur la couverture du livre par quelques branches sans feuilles qui se croisent sur un fond rouge sang. À l’intérieur, il y a un détail d’une icône où l’on voit la Vierge et l’enfant. Mais la religion urbaine n’apporte pas les consolations de celle de la campagne : « Va prier chez toi. / Je ne connais pas ta mère. / Son homme n’est pas ton père. / Ton nom ne me dit rien. / On n’ouvre pas la porte aux étrangers. / La messe est à onze heures demain. / Apporte de la monnaie pour la quête. / Et assieds-toi dans le jubé. » Les obsessions et les illusions se croisent dans ce monologue d’une grande efficacité.

éditions du blé

L’exploitation des sables bitumineux de l’Alberta est considérée par de nombreux scientifiques comme une catastrophe écologique. Dans un article de la revue Nature de janvier 2015, on affirme que « pour éviter l’emballement climatique, 99% des ressources de pétrole des sables bitumineux doivent rester dans le sol ». Le gouvernement a changé, mais la menace à l’environnement reste entière. C’est dans cette atmosphère trouble que les éditions du Blé ont choisi de faire paraître une deuxième édition de Fort Mac (2009) de Marc Prescott. Trois Québécois, Jaypee, Mimi et sa sœur Kiki, ont installé leur roulotte près de Fort McMurray, le nouvel Eldorado. Maurice, un Franco-Albertain de souche, observe leur lente descente dans la glaise et leur désenchantement tragi-comique. Paul Dubé, dans une importante préface, estime que la pièce est « triplement tragique en tant qu’elle rappelle paradoxalement la déshumanisa-tion des humains dont un aspect renvoie à leur incapacité à faire face [End Page 72] à leurs problèmes personnels ; leur côté trop humain de personnes embarquées dans la folie des valeurs fondées sur une cupidité généralisée ; le tout possible qu’en s’aveuglant sur le désastre écologique qu’ils préparent ». Le texte de la pièce est suivi d’une note biographique, d’une bibliographie des œuvres publiées et d’une bibliographie critique choisie.

dramaturges éditeurs

Dans Tranche-cul, les personnages de Jean-Philippe Baril Guérard disent tout ce qui leur passe par la tête, au nom de la liberté d’expression : « Tu me demandais mon avis honnête / Faque...

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