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  • Introduction :Les transferts économiques entre ex-époux à la suite du divorce : logiques alimentaire, compensatoire, indemnitaire?
  • Cécile Bourreau-Dubois, Bruno Jeandidier, and Isabelle Sayn

Au cours de ces dernières décennies, les pays industrialisés ont été le théâtre d’une évolution très forte des relations familiales, caractérisée par l’affirmation de l’égalité formelle entre les membres du couple comme entre les enfants, l’émergence d’une pluralité de modèles familiaux et la multiplication des séparations. Ce mouvement s’est accompagné d’une évolution de la conception du mariage, plus égalitaire, et d’une libéralisation du divorce, plus facile d’accès. Parallèlement, les marchés du travail ont été marqués par la progression du travail féminin, induisant une indépendance financière croissante des femmes vivant en couple. Dans un tel contexte, on peut s’étonner que le principe de transferts privés entre époux lors du divorce n’a pas pour autant disparu. Ainsi, dans la plupart des pays, il existe toujours des mécanismes juridiques, à l’origine réservés aux couples mariés, permettant de transférer une somme d’argent d’un conjoint à l’autre à l’occasion de la séparation.

C’est à cet apparent paradoxe que s’attache ce numéro spécial, qui réunit des contributions émanant de juristes, de politistes, d’économistes et de sociologues 1. En effet, la question centrale que posent, directement ou indirectement, ces contributions est celle des justifications d’un tel type de transfert.

De la lecture croisée de l’ensemble de ces contributions, qui concernent principalement les pays européens, on dégage trois types de justifications. En premier lieu, le versement d’un transfert entre ex-époux peut reposer sur une logique alimentaire. Il s’agit de pourvoir à la situation de besoin éprouvée par l’un des époux à la suite de la dissolution du mariage, et ce besoin servira de base à la mesure du transfert à réaliser. Dans ce modèle, la solidarité entre les époux, prévue par la loi entre les membres d’un couple historiquement indissoluble, est perpétuée au-delà de la rupture.

En second lieu, le versement peut reposer sur une logique compensatoire. Il s’agit alors de compenser, en partie seulement, la perte de niveau de vie subie par l’un des époux du fait du divorce et, ce faisant, de réduire la disparité de niveau de [End Page 135] vie observée entre les deux ex-époux. C’est alors la disparité qui sert de base à la mesure du transfert à réaliser. Dans ce modèle, l’obligation de compenser peut encore être fondée sur les droits et obligations traditionnellement attachés au mariage, au nom d’une solidarité qui s’exprime au moment de la rupture.

Enfin, en troisième lieu, le versement peut s’appuyer sur une logique indemnitaire. La spécialisation d’un époux dans la sphère domestique durant le mariage peut conduire à la dégradation de sa valeur sur le plan du capital humain marchand. Le divorce concrétise ce dommage, qui se manifeste par la perte de capacité de gains; cette perte servira de base à la mesure du transfert à réaliser. Dans ce modèle, ce n’est plus le mariage qui constitue l’essentiel de la justification du transfert mais les conséquences économiques de l’investissement domestique.

La dénomination retenue pour chacune de ces logiques correspond à la nature de la justification du transfert entre ex-époux lors du divorce. Cette dénomination a donc été pensée « hors-sol », indépendamment des désignations données dans chaque pays à ce type de transfert.

En effet, d’un pays à l’autre, ce transfert peut porter des dénominations légales différentes. Ainsi, dans de nombreux pays en Europe, comme au Québec, le terme « pension alimentaire » est utilisé pour désigner ce transfert. Cependant, en France et en Espagne, son équivalent fonctionnel est qualifié de « prestation compensatoire ». Ces différentes désignations renvoient apparemment à des logiques différentes, sans pour autant que les législations correspondantes aient effectivement opté pour telle ou...

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