Abstract

La catégorie de psychose débutante fait partie des classifications médicales usuelles, à la fois au seuil des savoirs qui constituent l’ossature du champ de la santé mentale, et catégorie normative, susceptible de donner une signification médicale à un ensemble de conduites d’abord identifiées comme bizarreries de comportements, propos, émotions et états mentaux étranges, puis requalifiées en tant que prodromes d’une maladie mentale. De plus, elle fait l’objet de nombreuses publications depuis les années 1990, sans que l’on sache quelles furent vraiment les pratiques de santé dans le passé, avant d’être un objet de protocoles standardisés de recherche, de prévention et de soin. En nous appuyant principalement sur les archives de l’Hôpital de Bonneval, et en établissant des rapprochements et des différences avec d’autres hôpitaux français et allemands dans les années 1950 à 1980, nous donnons des exemples de son maniement dans la clinique, à partir d’un type de sources encore peu utilisées dans l’histoire de la seconde moitié du 20e siècle, les dossiers médicaux. Ce cadre étant posé, nous procédons à l’analyse des enchaînements entre les certificats, les premiers entretiens cliniques, le récit d’anamnèse, la construction du diagnostic, les indications de traitement, le pronostic, etc., autant d’indices diachroniques qui offrent un lieu d’observation des savoirs et savoir-faire impliqués–ou pas. En effet, il ne s’agit pas tant ici d’évaluer l’impact de certaines doctrines que d’examiner quels sont les signes cliniques et les dichotomies conceptuelles sur lesquels les cliniciens s’appuient, et de questionner l’usage d’outils comme les tests psychologiques. On peut alors dégager le constat que la clinique n’est pas seulement une production de signes objectifs, mais que les symptômes subjectifs font aussi partie des pratiques de santé en psychiatrie, à partir du moment où elle en fait une catégorie normative, intermédiaire entre des conduites atypiques et un diagnostic caractérisé, comme la schizophrénie.

Abstract

The category of an “Early Psychosis” refers to a common medical classification. It is an essential part of the knowledge constituting mental health even as it represents a normative category subsuming a set of peculiarities in human behaviour, speech, emotional expression, and mental states that together can be described as a mental disorder. Numerous publications since the 1990s have rendered the “Early Psychosis” into a focus of standardised research, prevention and therapy procedures, while earlier medical practices remained unknown. Relying mainly on the archives of the Hospital of Bonneval, France, we draw comparisons with other French and German hospitals through the use of clinical records with a focus on the period 1950–1980. We then analyze the linkages between certificates, first clinical interviews, anamnesis, emergence of a diagnosis, treatment indications, prognosis, and the like, which together constitute a complex of diachronic measurements that offer potential insights upon the nature of medical knowledge and practice. Our interest is less the evaluation of consequences of specific doctrines than the investigation of the clinical parameters and conceptual dichotomies upon which practitioners relied. We conclude that the clinic is established not just out of objective signs, but that subjective symptoms are also part of psychiatric health practices, which in turn become a normative category that included a grey area between atypical behaviour and a selective diagnosis in, for example, the case of schizophrenia.

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