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  • Violence sexualisée et colonialisme : réflexions relatives à l’enquête sur les femmes autochtones disparues et assassinées
  • Sherene H. Razack (bio)

Les Canadiennes et Canadiens vivent dans une société où la disparition et le meurtre de femmes autochtones sont tellement monnaie courante que, depuis maintenant deux ans, des bénévoles draguent la rivière qui traverse Winnipeg dans l’espoir d’y retrouver des corps de filles et de femmes autochtones disparues. « Drag the Red » (draguer la Rouge), le nom de l’organisation, n’a pas encore trouvé de corps, mais ses travaux de dragage ont souvent permis de ramasser des sous-vêtements féminins1. En général, les Canadiennes et Canadiens n’ont pas encore saisi à quel point c’est une horreur sans nom de penser que des filles et des femmes autochtones gisent au fond de cette rivière que draguent des bénévoles, mais en 2015, ils ontélu un gouvernement qui a annoncé son intention de mener une enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées qui manquent à l’appel dans tout le pays.

Ce numéro spécial de la revue est issu d’un symposium tenu les 30 et 31 janvier 2016 et organisé conjointement par la Revue Femmes et droit et l’Alliance canadienne féministe pour l’action internationale, en partenariat avec l’Association des femmes autochtones du Canada, qui évoquait la possibilité d’une enquête nationale. Des leaders autochtones, les familles des femmes disparues ou assassinées, des universitaires et des militantes, avec six experts en droits de la personne des Nations Unies et de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, examinaient ce que pourrait accomplir une enquête sur les filles et les femmes autochtones disparues ou assassinées. Dans l’esprit de ce que Pam Palmater appelle dans son article « Braquer les projecteurs sur des lieux sombres », le présent numéro de la Revue Femmes et droit rassemble certaines des présentations faites lors de ce symposium. Nous espérons qu’en partageant quelques-unes des réflexions exprimées alors, nous contribuerons à établir un cercle de récits qui ira sans cesse en s’élargissant et qui nous fera voir la fin de cette violence, sûrement comparable à un lent génocide. Les contributions offertes dans les pages suivantes font partie d’un mouvement social visant à y mettre fin. Le mouvement prend de l’ampleur; cela est clair. La violence contre les femmes et les filles autochtones doit cesser; toutes nos vies en dépendent. [End Page v]

Le premier défi du symposium consistait à trouver les mots et la théorie pour décrire et analyser ce que représente la découverte du corps d’une fille autochtone de quinze ans, une enfant en foyer d’accueil, flottant sur la Rivière Rouge. Tina Fontaine, de la Première Nation Sagkeeng, a été assassinée en 2014. Peu avant sa mort, les policiers avaient vu Tina en compagnie d’un homme ivre de cinquantetrois ans, mais ils l’ont relâchée, même s’ils avaient sans doute constaté, en faisant une recherche dans le système, qu’elle vivait en foyer d’accueil. Elle a été retrouvée plus tard inconsciente, amenée à l’hôpital et remise encore une fois aux services de protection de la jeunesse. Logeant dans un hôtel pour enfants en foyer d’accueil, bientôt Tina disparut à nouveau. Il est important, écrit Pamela Palmater dans le présent numéro, que nous comprenions que Tina n’est pas passée entre les mailles du système. Au contraire, à plusieurs moments de sa courte vie, la police et d’autres responsables publics l’ont vue mourir à petit feu. Une enquête doit faire la lumière sur les forces policières en tant qu’instigatrices, coupables et facilitatrices, soutient Palmater, et cette enquête doit exiger que les responsables publics rendent des comptes.

Dans mon article, je suggère que nous demandions à l’appareil judiciaire de rendre des comptes dans le cas des femmes et des filles autochtones disparues et...

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