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Reviewed by:
  • La Femme, cette inconnue. Isle de France, terre des hommes by Eileen Lohka
  • Jeanne Jégousso
Lohka, Eileen. Femme, cette inconnue. Isle de France, terre des hommes. La Pelouse-Trou d’eau douce: L’Atelier d’écriture, 2013. isbn 9789994900411. 318 p.

Professeure à l’université de Calgary au Canada, Eileen Lohka retourne, grâce à cet ouvrage, sur les rives de sa terre natale, l’Île Maurice. Avec La Femme, cette inconnue, elle interroge la mémoire, décortique l’Histoire, à la recherche des traces des premières arrivantes sur l’île au cours du dix-huitième siècle. “J’espère […] que cet état des lieux aura pour résultat une nouvelle appréciation des contributions de la moitié féminine de l’Isle de France à l’époque coloniale française” (18), précise l’auteure dès les premières pages. Mêlant études d’archives publiques et privées, analyses de textes littéraires et comptes rendus d’époque, ainsi que travail fictionnel, Lohka guide le lecteur dans sa recherche de la femme mauricienne, que celle-ci arrive de France, des côtes de l’Afrique de l’Est ou encore d’Inde. À travers cette œuvre, elle souhaite avant tout peindre un visage plus précis et s’éloigner des généralités et statistiques qui donnent des femmes une image imprécise et surtout anonyme. Elle note que “la femme en tant qu’individu, dans sa vie à elle, disparaissait derrière des chiffres et les renseignements d’ordre général sur la vie dans la colonie” (16). Ainsi, cet ouvrage fait état de recherches de longue haleine qui aboutissent à un livre de grande qualité, pouvant satisfaire à la fois les spécialistes de l’océan Indien et les chercheurs ou étudiants curieux d’en apprendre plus sur cette grande inconnue du dix-huitième siècle.

Au fil des huit chapitres que comprend cette (en)quête, l’auteure passe en revue les divers détails du quotidien de ces femmes, espérant ainsi mieux les retracer. Au sujet de la Francilienne, elle s’interroge d’abord en ces termes:

Qui sont donc ces femmes qui se cachent derrière les statistiques des registres d’état civil? À quoi ressemblent-elles? Que font-elles de leurs journées, avant de mourir, le plus souvent en couches? Ont-elles des loisirs? Regrettent-elles d’avoir quitté la vie relativement plus confortable de leurs villages de France ou ont-elles une vie plus agréable dans la colonie, loin des hivers rigoureux et des guerres d’Europe? À quoi pensent-elles dans ce monde si différent de celui qu’elles ont quitté? Comment font-elles face aux difficultés de la vie coloniale alors qu’elles sont si jeunes?

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Si le livre retrace d’ailleurs l’Histoire de la colonisation de l’Isle de France, depuis l’arrivée des Français qui en firent une place forte, jusqu’à la prise de contrôle anglaise, il porte avant tout sur le quotidien. Lohka décrit de fait la journée de la femme créole, ses loisirs et ses vêtements, son rôle dans le foyer ou dans les affaires, ainsi que ses soucis pour l’éducation des enfants. Pour autant, l’auteure ne se contente pas seulement de recréer la vie de ces habitantes, mais elle en déconstruit aussi l’image dominante dans la mémoire collective, afin d’en former une plus juste. À ce titre, la chercheuse remet en cause l’“indolence des créoles” (36) et va à l’encontre des idées reçues, pour ensuite affirmer que “la réalité est tout autre” (37). [End Page 200] Lohka ne comble pas seulement la mémoire, elle la rectifie à l’aide d’extraits de lettres ou de journaux, et c’est là l’un des atouts majeurs de sa démarche.

Au-delà des représentations de la femme créole ou francilienne, Lohka accorde également une place importante tant aux femmes réduites en esclavage qu’aux affranchies. Face à une première difficulté, elle rappelle toutefois qu’“ainsi qu’elle est préservée dans les documents...

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