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Reviewed by:
  • N’être by Charline Effah
  • Anthony Mouyoungui
Effah, Charline. N’être. Paris: Éditions La Cheminante, 2014. isbn 9782371270152. 144 p.

Charline Effah est une écrivaine franco-gabonaise installée à Paris depuis plusieurs années déjà. N’être, son deuxième roman, publié aux éditions la Cheminante en octobre 2014, a fait couler beaucoup d’encre, étant donné le nombre de chroniqueurs qui se sont intéressés à ce texte et en ont proposé des comptes rendus sur la toile et dans les colonnes des magazines littéraires.

La littérature féminine africaine connaît une certaine ébullition ces dernières années et Charline Effah fait partie de ces nouvelles figures féminines qui arrivent dans l’espace littéraire avec une réelle voix, une façon de dire les choses dont l’originalité et la profondeur méritent que l’on s’arrête un moment sur cette œuvre et qu’on en parle. D’ailleurs, Alain Mabanckou l’a bien dit dans un numéro de Jeune Afr ique (Juillet 2015) en la présentant comme “[u]ne nouvelle voix gabonaise,” comme “l’une des voix les plus douées de sa génération.”

Quelle est donc cette voix? Et quel est ce roman? N’être est un texte qui interroge les blessures familiales à travers le parcours de deux femmes: la mère, Medza et la fille, Lucinda Bidzo. Les deux femmes entretiennent une relation tumultueuse marquée par le sceau originel du déni. En effet, Medza tombe enceinte malencontreusement. Elle ne veut pas de cette enfant qui arrive au mauvais moment, au mauvais endroit, bref un enfant qui bouleverse les projets d’une mère dont la vie conjugale est déjà bien malmenée par un époux ingrat, absent et condescendant. Medza doit faire un choix entre son mariage et sa fille adultérine. Elle optera pour le premier. Et l’enfant dans tout cela? Lucinda vivra hors du cadre familial, d’abord chez une tante, puis au sein de la concession familiale dans une chambre de bonne, recluse.

Ce sont ce rejet, ce déni, qui marquent la rupture entre les deux femmes. C’est cette quête de l’amour qui lui a manqué qui entraînera Lucinda vers des choix sentimentaux “hors normes.” Durant toute sa vie de jeune femme, elle n’a qu’une hantise: ne pas ressembler à sa mère, ne pas reproduire les mêmes schémas de femme soumise et heureuse de sa soumission. D’ailleurs dans la longue interpellation qu’elle adresse à Medza, elle lui dit:

Car la vie, la mienne, je la voyais en dehors de toute sujétion financière ou affective.

Surtout affective, surtout différente de la tienne, ta vie, Medza, et de cette façon bien à toi de te fondre dans le décor dans l’attente que l’on constate que tu es bien là, que tu as toujours été là en fait, à la même place et que tu y resteras parce que l’homme pour lequel tu es venue au monde estime que tu es bien là comme ça. Et puis à quoi bon te révolter, Medza? Ta mère et la mère de ta mère t’ont inoculé le virus de la servilité en même temps qu’elles muselèrent ton bons sens.

(37) [End Page 168]

Les rapports entre la mère et la fille sont faussés dès le départ. Il n’y a pas de lien maternel. Les thématiques de l’absence, du vide et du silence inscrivent cette rupture mère-fille dès les premières lignes du roman: “Exister pour briser la chaîne des silences tissés par le lot des souvenirs. Exister hier. Exister aujourd’hui et de-main. Et comme je n’y parvenais pas, je me suis mise à l’ombre en attendant le vol des Cygnes” (9-10).

Cette allusion au vol des Cygnes qui rappelle le conte du vilain petit canard n’est pas anodine dans la mesure où le texte est traversé par la thématique de l’exclusion familiale. Comme dans le conte...

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