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Reviewed by:
  • La Transmission littéraire et cinématographique du génocide des Tutsi au Rwanda by Virginie Brinker
  • Cécile Rebolledo
Brinker, Virginie. La Transmission littéraire et cinématographique du génocide des Tutsi au Rwanda. Paris: Classiques Garnier, 2014. isbn 9782812432545. 482 p.

Avec La Transmission littéraire et cinématographique du génocide des Tutsi au Rwanda, Virginie Brinker publie la version actualisée de sa thèse de doctorat en littérature française et francophone et en littérature comparée. Vingt années ont passé depuis le massacre des Tutsi par les Hutu, et de nombreux romans et films se sont ajoutés aux rapports et témoignages journalistiques. Dans cet ouvrage, Brinker questionne le rapport de l’événement à la fiction; si ce rapport, qui met en évidence la superposition, l’enchevêtrement voire l’amalgame du factuel et de l’imaginaire, est toujours complexe et problématique, il l’est encore davantage lorsqu’il s’agit d’un fait aussi grave et aussi médiatisé qu’un génocide. Dans ce contexte, Brinker choisit quelques romans et films qui se proposent de relater le conflit rwandais (le grand public en reconnaîtra certains, comme Hôtel Rwanda, réalisé par Terry George en 2004, ou bien La Stratégie des antilopes de Jean Hatzfeld, qui obtint le Prix Médicis du meilleur roman en 2007) et elle analyse la manière dont l’événement est traduit par le récit.

On ne peut qu’apprécier l’écriture de Virginie Brinker qui opte pour un style clair et pour un propos détaillé mais qui sait demeurer direct et n’est jamais inutilement complexe. Le cadre théorique de l’étude, fort et clairement défini, donne lieu à une réflexion riche et rigoureuse. Le caractère limpide de l’énoncé permet au lecteur d’appliquer le questionnement de Brinker à des œuvres qui traitent, par exemple, de la Shoah (d’ailleurs également évoquée par l’auteure, qui compare par exemple certains films sur le massacre rwandais à l’emblématique Shoah de Claude Lanzmann). Au cours de ma lecture personnelle, je n’ai cessé de penser au film Le Fils de Saul, du réalisateur hongrois László Nemes, lauréat du Grand Prix du Festival de Cannes en 2015 en dépit de la polémique qu’il provoqua à propos de sa représentation d’Auschwitz et, plus précisément, des fours crématoires. Il serait intéressant et pertinent de considérer ce film et le débat qui l’entoure à la lumière des travaux de Brinker, car la valeur de ces derniers dépasse largement la question du génocide rwandais, et c’est là la marque d’une thèse réussie.

L’intérêt principal de l’ouvrage tient dans l’étude de l’écart ou de la différence d’expériences entre ceux qui ont vécu le génocide et ceux qui cherchent à le comprendre et à en faire la narration. Parfois, il peut s’agir d’un seul et même individu, témoin direct de la tragédie, qui prend ensuite la parole pour en faire un objet de fiction, et dans ce cas se posent les problèmes de la mémoire et de la subjectivité. [End Page 154] Quoi qu’il en soit, Brinker suggère que l’entreprise est fort risquée: le récit peut tomber dans divers écueils, tel que l’excès d’esthétisation, le manque de précision voire l’erreur historique ou mémorielle, le cliché, ou encore le trop-plein spectaculaire.

Immanquablement, le récit se heurte à la question du réalisme, alors que l’idée même de réalisme à propos d’un événement traumatique passé nécessite d’être discutée. De cette difficulté découle une autre question, dont il me semble que Brinker se préoccupe moins, peut-être parce qu’elle est trop générale bien qu’au centre de la thématique choisie: celle qui concerne le rôle de la fiction voire de l’art dans la repr...

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