Abstract

Dans son roman La Blonde de Patrick Nicol, l’écrivain Patrick Nicol ne cesse de tirer l’autobiographique vers le fictif: lui-même écrit des romans, un personnage qui est son homonyme enseigne la littérature dans un cégep, des pages du roman Anna Karénine traînent dans sa maison et l’une de ses maîtresses est identifiée à Lady Chatterley. Mais, lors même qu’il est question de fiction(s) dans la fiction, c’est pour en souligner l’exemplarité, c’est-à-dire la valeur en tant que modèle(s) existentiel(s) dans la “vraie vie”: “Il faut suivre le regard des femmes sur la couverture des livres de poche. Il sort du cadre, toujours elles regardent ailleurs. Vous tenez dans vos mains un livre et celle qui est là, aplanie sur le devant, cherche ailleurs ce que vous vous apprêtez à chercher dedans. Je m’exprime mal. Je veux dire: vous allez entrer dans une histoire alors que le personnage cherche à en sortir” (Nicol 73). Que désigne ici ce mouvement du biographique au fictif, qui revient invariablement au biographique? Quelle “scénographie” (Maingueneau) dessine-t-il et en quoi celle-ci renseigne-t-elle sur la définition de la littérature dont le texte est porteur? J’offre ici une lecture du roman La Blonde de Patrick Nicol dans la perspective d’une analyse de discours. Plus précisément, je m’intéresserai au travail opéré sur le “discours social” où se situerait, selon Marc Angenot, la caractéristique première de l’être de la littérature. En deuxième lieu, je me pencherai sur la mise à plat de la fiction et de la vie qui s’y lit. Enfin, je réfléchirai aux conditions qui fondent la “constituance” de ce discours littéraire, en même temps que la “paratopie” de son auteur. Mon hypothèse est que la “localité paradoxale” (Maingueneau 53) qui s’élabore ici, comme en surplomb du monde et de la littérature, fait non seulement de La Blonde de Patrick Nicol “un supplément du discours social” (Angenot 12), mais également un univers littéraire au deuxième degré — une fiction de soi en tant que déjà-fiction.

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