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  • Le Rond-point by Évelyne Trouillot
  • Jason Herbeck
Le Rond-point. Par Évelyne Trouillot. Paris : L’Imprimeur, 2015. ISBN 978-99970-62-01-7. 206 pp. $4.99 Kindle e-book.

Dans le nouveau livre d’Évelyne Trouillot, se profilent à tour de rôle les parcours de trois habitants esseulés de Port-au-Prince au début des années 2000 : Titi, un gamin rebelle contraint d’habiter avec une tante qui le taraude ; Sorel, un jeune apprenti devenu chômeur tombé éperdument amoureux d’une femme qui l’ignore ; et Dominique, propriétaire aisée d’une boutique ayant pignon sur rue qui est toutefois prise d’un malaise existentiel grandissant. Trois êtres donc, séparés à maints égards par les milieux dont ils sont issus, qui partagent un même désir de se rapprocher d’autrui—d’une mère laborieuse, d’une belle inconnue, et d’une fille étudiant à l’étranger, respectivement—mais que la vie de plus en plus mouvementée et violente de la capitale haïtienne semble rendre davantage inaccessible à chaque tournant.

Nonobstant l’impressionnant nombre de genres empruntés par Trouillot (dont poésie, nouvelle, roman, conte d’enfants, et théâtre), l’ensemble de son œuvre traite systématiquement, quoique toujours de manière inédite, la complexité des relations humaines, et ce avec comme toile de fond fidèle les diverses époques de son pays natal, depuis l’ère esclavagiste de Saint-Domingue jusqu’à nos jours, en passant par la première occupation américaine, la dictature des Duvalier, et le tremblement de terre de 2010, entre autres. Pour n’évoquer explicitement que les deux romans dont la publication précède directement celle du Rond-point, il importe de noter en l’occurrence ce que l’on pourrait appeler la dynamique de la rencontre, laquelle s’avère tout aussi tendue et embrouillée dans La Mémoire des abois que dans Absences sans frontières. Roman à clef sur le régime des Duvalier, La Mémoire aux abois nous livre, à travers les perspectives alternées de la veuve de Papa Doc et la jeune aide-soignante d’origine haïtienne censée s’en occuper, une rencontre pour le moins incommode et épineuse. Aussi la dynamique de leur relation difficultueuse se développe-t-elle dans l’espace clos de l’hospice en banlieue parisienne où la veuve se trouve alitée, et où la proximité pénible de ces deux êtres contraints de partager un même espace entraîne de grands élans d’esprit comme d’aversion. Il en est bien autrement dans Absences sans frontières, roman dans lequel les rencontres comme les relations s’avèrent entravées par la distance qui s’impose entre [End Page 190] les personnages malgré eux. Depuis la mort prématurée de sa mère, Géraldine se voit obligée de vivre sous la tutelle étouffante de sa grandmère car son père, Gérard, parti aux États-Unis avant sa naissance, n’est toujours pas retourné en Haïti à cause de sa condition d’immigrant en situation irrégulière. Par conséquent, c’est en forme de lettres, d’appels téléphoniques et de conversations sur Skype que se traduit la dynamique de la rencontre entre père et fille, sa dimension physique étant à jamais reportée.

Si nous nous attardons sur ces deux textes, c’est non seulement pour noter la particularité des rencontres qui s’y figurent mais pour souligner en quoi celles du nouveau roman de Trouillot sont significatives, voire divergentes en ce qui concerne l’évolution de son œuvre. Outre le style narratif de voix intercalées que partagent les trois romans, ce petit détour intertextuel nous permettra donc d’insister sur deux éléments-clés du Rond-point : d’une part, force est de remarquer que les rencontres principales dont il est question ne se situent ni dans un espace limité (tel l’hospice parisien) ni dans un espace virtuel de communication (reliant, par exemple, Haïti et New York) mais dans l’agglomération fourmillante de Port-au-Prince ; d’autre...

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