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  • Le citoyen et l’ordre mondial, 1914-1919. Le rêve d’une paix durable au lendemain de la Grande Guerre en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis by Carl Bouchard
  • Yaël Dagan
Carl Bouchard Le citoyen et l’ordre mondial, 1914-1919. Le rêve d’une paix durable au lendemain de la Grande Guerre en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis Paris, A. Pedone, 2008, 270 p.

Le titre de cet ouvrage est porteur d’un malentendu, et cela pour plusieurs raisons. Le mot « citoyen » évoque un livre sur la conscience populaire ou sur un mouvement de masse. Le « rêve d’une paix durable » fait penser spontanément au grand mouvement pacifiste né de la Grande Guerre. Enfin, une confusion s’installe quant à la période étudiée: s’agit-il du « lendemain de la Grande Guerre », comme le suggère le sous-titre, ou de la guerre ellemême, comme le laisse croire les dates de 1914-1919? Les premières pages ne dissipent pas complètement l’ambiguïté, car Carl Bouchard présente son texte comme une tentative de donner la parole « à des individus qui ont souhaité la paix durable et œuvré pour son établissement au début du xxe siècle », insistant sur les « particuliers » ayant avancé des réflexions émanant de la « population » (p. 5). Ce n’est qu’en progressant dans la lecture que l’on comprend l’objet véritable du livre. L’historien a recueilli 212 publications, rédigées entre 1914 et 1919, « abordant le problème de la paix durable de façon structurelle, c’est-à-dire qui proposent la création d’une organisation internationale fondée sur un socle juridique » (p. 8). En définitive, le livre porte sur un débat juridique qui a abouti, après la victoire, à la fondation de la Société des Nations (Sdn). Le débat, certainement vif et complexe, est analysé avec finesse. Néanmoins, son assimilation à un mouvement populaire est discutable.

En ce qui concerne la constitution de l’échantillon, l’auteur ne dit rien du critère selon lequel il a découpé son champ d’observation ni du statut de son corpus. Or, si son ambition était de constituer un corpus exhaustif, comprenant tous les livres publiés en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis sur la question, comment peut-il s’en assurer? Sinon, pourquoi tel livre mérite-il d’être lu plutôt que tel autre? Cette question est capitale, précisément parce que l’auteur présume que ces essais expriment un profond désir collectif de paix et non uniquement la voix d’une élite intellectuelle. Plus loin dans le livre, le corpus fait l’objet de décomptes et d’analyses quantitatives, au moyen desquels on apprend, par exemple, que « la moitié des auteurs du corpus traitent de la question des sanctions et de l’usage de la force dans le cadre du maintien de la paix entre nations » (p. 114). Une telle donnée est-elle vraiment significative, du moment où l’échantillon lui-même paraît arbitraire et ne peut renvoyer à une réalité extérieure sinon sur la base d’hypothèses plus ou moins plausibles?

Même en écartant la question de la représentativité, en ne s’en tenant qu’à la seule population composée des auteurs des ouvrages analysés, le lecteur reste sur sa faim. Car la question des acteurs est traitée rapidement et n’apporte pas suffisamment d’éléments. Le tableau qui détaille les professions des deux tiers des auteurs du corpus montre que, sur les 83 métiers identifiés (56 restent « indéterminés »), un bon tiers vient du monde universitaire, le reste étant des écrivains, des journalistes, des économistes, des banquiers, des hauts fonctionnaires, entre autres (p. 65). Certes, la dispersion est grande mais ils appartiennent tous, sans surprise, à l’élite, intellectuelle ou administrative, proche de la sphère politique. C’est ainsi aussi qu’ils se considèrent bien souvent, comme l’explicite l’un des auteurs les plus illustres de...

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