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  • Guerre et paix dans la France du Grand Siècle. Abel Servien, diplomate et serviteur de l’État, 1593-1659 by Hélène Duccini
  • Olivier Poncet
Hélène Duccini Guerre et paix dans la France du Grand Siècle. Abel Servien, diplomate et serviteur de l’État, 1593-1659 Seyssel, Champ Vallon, 2012, 388 p.

L’écriture biographique est un genre bien établi qui débouche parfois sur le type d’ouvrage à tiroirs dont a parlé Lucien Febvre à propos des livres d’histoire proprets et inévitablement rangés selon une succession immuable de thèmes récurrents. Il arrive même que, pour certaines périodes, le récit biographique s’apparente à la reconduction de modèles éprouvés, reposant en partie sur les règles propres à la biographie scientifique et en partie sur les sources disponibles. Il en va ainsi depuis une trentaine d’années pour les biographies des grands serviteurs de l’État de l’époque moderne en France. Sous l’effet croisé des tendances de l’histoire sociale, d’une meilleure compréhension des relations d’interdépendance entre puissance publique et condition privée, et du gisement souvent inépuisable des sources notariées, singulièrement parisiennes, les biographies des ministres de la monarchie française ont tendance à revêtir un tour systématique avec des passages obligés, où l’analyse des liens clientélaires ainsi que la déconstruction de l’émergence et de la gestion d’une fortune le disputent presque à égalité avec les principales étapes du parcours « professionnel » d’une vie. D’une certaine manière, Hélène Duccini inscrit sa récente étude de la carrière d’Abel Servien dans ce vaste mouvement convergent tout en en refusant consciemment certaines de ses contraintes.

Le surtitre de cette biographie en désigne tout à la fois les ambitions et les limites. Servien a été un diplomate de grande envergure, mais il n’a pas été que cela. Issu d’une famille de robins grenoblois – son père Antoine devient conseiller au parlement de la ville en 1604 –, Servien (né en 1593) est remarqué très tôt, alors qu’il devient procureur général au parlement de Grenoble, par le cardinal de Richelieu lors de son passage au secrétariat d’État de la Guerre en 1616. Il accompagne ensuite dans la charge de maître des requêtes de l’hôtel du roi (1624-1629) les premiers pas du cardinal-ministre. [End Page 217] Il sert comme intendant de justice, police et finances en Guyenne et auprès de l’armée d’Italie. Ce séjour transalpin lui donne l’occasion de rencontrer le jeune Jules Mazarin dès 1630, l’un des tout premiers sans doute parmi les administrateurs français de haut rang. La même année, il accède au secrétariat d’État de la Guerre. C’est à ce poste exposé qu’il doit affronter la délicate entrée en guerre contre l’Espagne en 1635; son manque d’entregent lui vaut d’être écarté en janvier 1636, sacrifié par un Richelieu pourtant peu coutumier du fait avec les ministres du roi. L’exil angevin de Servien qui s’ensuit entraîne ipso facto la chute des siens, dont son neveu Hugues de Lionne. Le décès de Louis XIII, plus encore que celui de Richelieu – cette fameuse double mort du roi dont l’ouvrage récent de Françoise Hildesheimer vient de clarifier le mouvement historique1 –, ramène l’oncle et le neveu aux affaires avec la bénédiction de Mazarin en 1643.

Adjoint du comte d’Avaux pour les négociations de Westphalie, Servien est en réalité l’œil du nouveau cardinal-ministre. Cette lutte, parfois sournoise, est à la vérité inégale puisque Lionne flanque Mazarin et est au courant de tout ce qui se trame à Münster comme à Paris. H. Duccini fournit un bon récit de cette rivalité à distance qui constitue une partie essentielle de son ouvrage. Il est d’autant plus dommage de déplorer çà et là quelques manques bibliographiques sur une négociation d...

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