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Reviewed by:
  • Entre la guerre et la paix. Neutralité et relations internationales, XVIIe-XVIIIe siècles by Éric Schnakenbourg
  • Antonio Trampus
Éric Schnakenbourg Entre la guerre et la paix. Neutralité et relations internationales, xviie-xviiie siècles Rennes, Pur, 2013, 375 p.

Fruit de plus de dix ans de recherches, ce livre contribue à redéfinir profondément la manière d’envisager les relations internationales et l’histoire de la diplomatie à l’époque moderne. Le thème de la neutralité est au cœur du propos; bien que fréquemment évoqué dans les travaux sur le système géopolitique européen et atlantique de l’Ancien Régime, ce concept reste toutefois peu connu dans la réalité de l’historiographie. L’auteur a organisé son travail autour de trois grandes questions qui correspondent à autant de parties: les définitions et les déclinaisons de la neutralité, la diplomatie de la neutralité étudiée à travers l’analyse des relations entre la France et les pays du Nord de l’Europe (1688-1783) et les pratiques de la neutralité (« les modalités de la neutralité » selon les mots de l’auteur) au cours du xviiie siècle. Cette enquête repose d’abord sur un vaste et fécond travail d’archives, qui ne se cantonne pas aux archives françaises (notamment les archives des Affaires étrangères, les Archives nationales et l’important fonds des archives d’Outre-Mer), mais s’étend aux Archives nationales du Danemark et de la Suède. La longue liste des sources publiées avant 1850 est suivie d’une bibliographie critique complète et soignée, qui tient compte des directions prises par les derniers travaux dans ce domaine.

Ces premiers renseignements sur la structure de l’ouvrage permettent de se rendre compte que la démarche adoptée pour cette étude dépasse largement l’annonce du titre. Les recherches sur le concept de neutralité dans l’Europe moderne, après une phase d’activité historiographique intense entre la seconde moitié du xixe et la première moitié du xxe siècle, ont connu une phase d’arrêt due à l’apparente difficulté de faire dialoguer la dimension théorique et conceptuelle de la neutralité avec l’étude des pratiques et des stratégies politiques dans les comportements intra- et interétatiques. Ce thème n’a été repris que ces vingt dernières années, avec le souci de dépasser les limites théoriques et méthodologiques traditionnelles de l’histoire de la diplomatie et des relations internationales, afin d’élargir les perspectives d’enquête vers l’histoire économique et culturelle et vers l’histoire de l’évolution des langages politiques.

Justifiant en partie le titre du volume, qui semble poser le problème de la neutralité dans le contexte plus familier du rapport entre guerre et paix, ce contexte historiographique éclaire surtout le sens de la première partie du livre, dédiée aux « Figures et déclinaison de la neutralité ». Dans ces pages, l’auteur se consacre directement à la question, toujours très controversée, de la définition de la neutralité, de la différence entre neutralité armée et neutralité dans le commerce, du rapport entre neutralité et ports neutres ou ports francs, de la distinction entre neutralité et neutralisation, jusqu’au [End Page 213] problème, non moins important, des omissions, des silences et du refus d’utiliser ce terme dans les pratiques internationales. Il en ressort clairement qu’il n’existait pas à l’époque moderne de définition univoque de la neutralité, ce qui n’est pas surprenant. Surtout, cette première partie démontre qu’une nouvelle approche de ce thème ne peut venir que d’un renversement de l’ordre traditionnel de l’analyse: celle-ci gagne à être menée non plus à partir des conceptualisations de la neutralité et des efforts pour en définir le statut théorique, mais plutôt à partir des pratiques concrètes, des comportements des acteurs étatiques et non étatiques au lendemain de la paix de Westphalie et jusqu’au seuil de la Révolution fran...

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