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  • Le tombeau de la paix. Une histoire des édits de pacification, 1560-1572 by Jérémie Foa
  • Mark Greengrass
Jérémie Foa Le tombeau de la paix. Une histoire des édits de pacification, 1560-1572 Limoges, Pulim, 2015, 545 p.

Issu d’une thèse de doctorat, ce livre offre une histoire aussi éclairante que novatrice des premières tentatives de pacification pendant les guerres de Religion, fondée sur un bilan détaillé de leur impact et des réflexions approfondies quant à leur importance à long terme. L’ouvrage part de la proposition que la paix n’est pas une chose qui va de soi, un état normal. Au contraire, la pacification est une démarche et un défi dont la politique et le travail ont leurs héros improbables – en l’occurrence, une cinquantaine de commissaires choisis pour la mettre en œuvre en 1563 et 1570 par la dyarchie de Catherine de Médicis et Charles IX.

À la différence de l’ouvrage récent de Penny Roberts1, Jérémie Foa met en lumière les premières pacifications, que la Saint-Barthélemy puis l’édit de Nantes avaient occultées selon un double finalisme historiographique que le bruit des armes et la logique de la violence ont réussi à renforcer. Il s’en distingue plus nettement encore par la distance qu’il prend avec le concept de « law-enforcement » et donc avec l’idée que la pacification est un système d’imposition opérant du haut vers le bas. Il préfère envisager les commissaires comme étant au centre d’une négociation entre les forces d’en bas, qui étaient loin de se considérer comme des résistants (parlements, gouverneurs et états provinciaux, consuls municipaux, etc.), et celles d’en haut. Les discours herméneutiques des commissaires sont au cœur du livre, mais aussi les argumentaires que les individus, les groupes et les institutions ont avancés pour critiquer les décisions des commissaires. L’étude est sous-tendue par la proposition selon laquelle, après des guerres civiles, la pacification est un moment historique avec ses propres spécificités et matérialités, un passage inconfortable entre deux états. De nombreuses notions inspirées des ouvrages de Michel Foucault (sur les pratiques de gouvernement), Paul Ricœur (sur la mémoire et l’oubli) et Luc Boltanski (sur la dénonciation et la remontrance) ont permis à l’auteur d’approfondir ses réflexions.

La pacification fut une politique d’ampleur nationale qui nécessite d’être évaluée à partir de multiples points de vue locaux et de sources de différentes provenances confessionnelles. Cela justifie la démarche de l’auteur qui a « pioché » dans de nombreux dépôts d’archives locales – son travail repose sur une documentation impressionnante dont l’importance nous a échappé trop longtemps – pour retrouver les traces des nombreux efforts des commissaires et essayer de comprendre la logique de leurs arbitrages.

J. Foa montre un protestantisme socialement très diversifié, politiquement très actif, et surtout présent dans le royaume selon une géographie religieuse qui est non seulement plus dispersée que l’on a l’habitude de la concevoir, mais aussi fixée en partie par les activités des commissaires eux-mêmes. Partout la mixité religieuse coexistait avec la confrontation, un vivre ensemble qui impliquait tensions et espoirs, ce qui donne le ton particulier de ces périodes d’après-guerre et, en quelque sorte, les explique. Jamais prisonnier d’une perspective purement institutionnelle, ni de celle des chroniqueurs des guerres de Religion ou des sources locales, l’auteur poursuit son étude selon une méthodologie de triangulation minutieuse des sources et une comparaison fructueuse des circonstances locales. Elles lui permettent d’élaborer une lecture approfondie des dichotomies en jeu lors de l’arrivée des commissaires sur place – entre la force et la persuasion, la jurisprudence et le pragmatisme, la justice et l’oubli. À partir de ces dichotomies, J. Foa repense les manières qu’avait la monarchie des derniers Valois de se représenter et de se com-porter...

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