Abstract

Cet article est une première exploration de l’histoire environnementale de la Première Guerre mondiale et suggère de nouvelles approches susceptibles de modifier notre compréhension du conflit. Bien que les terres agricoles ravagées, les arbres calcinés et les bourbiers soient des images iconiques de la Première Guerre mondiale, les chercheurs ont souvent eu tendance à négliger la place et le rôle de la nature dans le conflit. Pourtant, ce n’est qu’en prenant en compte l’environnement que nous pouvons pleinement comprendre le traumatisme de la guerre et appréhender la façon dont ce conflit, en particulier, a façonné de manière durable les dimensions les plus élémentaires de l’existence humaine. Les armées de la Première Guerre mondiale étaient des entités à la fois sociales et biologiques qui dépendaient d’une « écologie militaire » de l’extraction, de la production et de l’approvisionnement en vivres et en énergie. Pour nourrir les soldats et faire fonctionner les machines, les États belligérants réquisitionnèrent de la nourriture et du carburant dans l’ensemble de la biosphère, contribuant ainsi à étendre la portée écologique de la guerre bien au-delà du front de l’Ouest. L’étude des différentes façons dont la guerre a transformé la périphérie (modification de l’écologie des maladies en Afrique coloniale, extraction de l’étain en Asie du Sud-Est et production alimentaire en Amérique latine) permet de montrer que les frontières de la belligérance étaient très étendues. Ces trois régions illustrent également les différentes façons dont la préparation et la conduite du conflit ont modifié les sociétés et le milieu naturel. Se pencher sur Première Guerre mondiale en adoptant une perspective environnementale permet de mettre en lumière sa dimension planétaire. La « catastrophe fondatrice » du xx e siècle, pour reprendre l’expression de George Kennan, a accéléré des changements environnementaux amorcés au siècle précédent et fait apparaître certaines tendances – production militaro-industrielle, persécutions et exploitation de l’environnement – qui définiront le xx e siècle.

Abstract

This article represents an initial foray into the global environmental history of the First World War and suggests new approaches that can change our understanding of the conflict. With ravaged farmlands, charred trees, and muddy quagmires as iconic images of the First World War, scholars have generally tended to overlook the place and role of nature. Yet only by taking the environment into account can we fully understand the trauma of war and how this conflict in particular shaped the most basic levels of human existence for years to come. Armies in the First World War were both social and biological entities, which depended on a “military ecology” of energy extraction, production, and supply. To keep soldiers and machines in action, belligerent states commandeered food and fuel throughout the biosphere, extending the war’s environmental reach far beyond the western front. Examining a number of the ways that war shaped the periphery—evolving disease ecologies in colonial Africa, tin extraction in Southeast Asia, and food production in Latin America—will show that the boundaries of belligerency were vast. These three regions also illustrate the different ways in which the preparation and pursuit of war transformed societies and the natural world. Seeing what George Kennan called the twentieth century’s “seminal catastrophe” from an environmental perspective illuminates the global dimensions of the First World War. The conflict accelerated environmental change that had begun in the previous century, and established the patterns of military-industrial production, human victimization, and environmental exploitation that defined the twentieth century.

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